Québec : De l’importance de l’histoire

Publié le par jdor

La problématique de l’enseignement de l’histoire au Québec francophone ne peut que nous interpeller, en France. Les pays colonisés subissent, le plus souvent, la négation puis, peu à peu, l’éradication de leur histoire pour laisser la place à celle des colons.  C’est vrai au Québec, comme c’est vrai en Palestine occupée, comme ce fut vrai dans les colonies françaises lorsqu’on apprenait, aux « indigènes » que leurs ancêtres étaient les Gaulois. Voici donc, ci-dessous, trois textes, dont deux de Marie-Hélène Morot-Sir qui abordent cette problématique. (Jean Dornac)


 

1) Désinformation ou transformation de l’histoire

Une histoire vécue de désinformation à l’étranger

Ce jour-là, dans la classe de Vincent, se présente un canadien anglophone, venu parler de son pays le Canada...

Par Marie-Hélène Morot-Sir

Tribune libre de Vigile - Samedi 25 avril 2009    

Mon petit-fils a quatorze ans, il habite depuis deux ans avec ses parents, en Slovénie, qui travaillent pour une banque française là-bas. Nos petits enfants étudient dans une école internationale, il n’existe pas d’école française dans un si petit pays où il y a à grand peine une vingtaine de français venus y travailler. Tout se passe en langue anglaise car cette école internationale regroupe avec un grand nombre de jeunes Slovènes, des allemands, des grecs, des italiens etc.

Ce jour-là, dans la classe de Vincent, se présente un canadien anglophone, venu parler de son pays le Canada. Notre Vincent était ravi, il connaît très bien le pays, venu en vacances avec son grand-père et moi, où il a visité aussi un grand nombre de musées. Il a lu les livres sur l’Histoire de la Nouvelle France, il a écouté raconter par sa grand-mère préférée (moi) les quatre cents ans écoulés de son Histoire...

Mais voilà donc l’intervenant canadien racontant que les anglais ont, grâce à leur reine d’Angleterre, découvert ce pays magnifique que leur reine a permis d’agrandir en lançant des explorations vers l’ouest du côté des Rocheuses, vers le nord jusqu’à la baie d’Hudson et vers le sud jusqu’au golfe du Mexique.

Mon petit Vincent trouve ces affirmations fort curieuses, il se lève, interrompt poliment en anglais l’intervenant, et lui dit très simplement que, là, vraiment, ce n’est pas exact. Sa grand-mère écrit des livres sur l’Histoire de la Nouvelle France, elle travaille sur des documents très anciens et aucun ne raconte ce qu’il vient de dire, car ce sont les Français qui ont bâti ce pays, appelé alors la Nouvelle France. Ce sont eux qui ont fait ces expéditions-là dont il vient de parler, il ne se souvient pas exactement du nom des Français qui ont découvert l’Ouest et la Baie d’Hudson mais il se rappelle que c’est un Monsieur du nom de La Salle qui est allé tout le long du fleuve Mississipi, jusqu’au golfe du Mexique où il a planté une grande croix et enterré à son pied dans le sable une plaque aux armes du Roi de France et cela il en est sûr car c’était un 9 avril pile, le jour de l’anniversaire de son grand-père !...

L’intervenant a été tellement mis devant la réalité qu’il a été obligé de dire que c’était exact en effet, et cela devant la classe entière et le professeur Slovène qui n’en revenait pas qu’on puisse venir raconter tout et n’importe quoi à l’étranger !...

Pour conclure ce petit récit, je n’ai pas besoin de vous dire combien j’étais fière de mon petit-fils, je ne pensais pas qu’il avait retenu autant de choses de votre Histoire.

http://www.vigile.net/Une-histoire-vecue-de


 

2) Une histoire qui fiche le camp

Ignorance collective

par Marie-Andrée Chouinard

Éditorial - Le Devoir - Mercredi 5 octobre 2011

Cherche désespérément histoire du Québec. Ce pourrait facilement être l’intitulé du magistral travail de recension qu’effectue depuis quelques années la Coalition pour l’histoire. Depuis sa création en 2009, cette coalition s’évertue à démontrer que dans le champ de l’enseignement de notre propre histoire, du primaire à l’université, la récolte est scandaleusement mince.

Chacun des pans de ses enquêtes fouillées lève le voile sur un effritement inquiétant de l’histoire nationale enseignée aux élèves et étudiants du Québec. Après avoir montré le vide abyssal du collégial et l’inquiétant tournant du secondaire, l’analyse se tourne vers l’université, montant d’un cran l’inquiétude collective : nos futurs maîtres d’histoire enseignent à partir d’une matière beaucoup trop mince, les facultés se dégarnissent peu à peu d’experts en histoire nationale du Québec, les recherches négligent ce champ capital. Bref, l’histoire du Québec s’en va à vau-l’eau !

On se souvient l’émoi qu’avait causé au printemps un sondage mené pour le compte de cette coalition et où 94 % des répondants avaient été incapables de nommer Chauveau comme tout premier d’une série de premiers ministres du Québec. Bientôt, dans les chaumières du Québec, aucune étincelle à l’évocation de la Crise d’octobre, du rapport Durham ? Et Louis-Joseph Papineau ? Sans rappel utile de la rébellion des Patriotes, qui honorera son passage ?

Ces trous de mémoire s’expliqueront. Les facultés d’enseignement offrent en effet au compte-gouttes l’histoire du Québec aux futurs maîtres ; certains n’auront eu que deux cours pour asseoir la transmission future de cette discipline aux élèves du secondaire. Paradoxalement, la réforme de l’éducation a pourtant doublé le nombre d’heures d’enseignement de l’histoire. L’histoire fut donc remise au centre du parcours de l’élève, mais obsédés que nous devenions par les atours de la mondialisation et l’attrait de l’actualité, on négligea de toute évidence de la substance essentielle.

Était-ce mieux avant ? Jouer les nostalgiques n’est pas toujours judicieux. Qui blâmer, au juste ? Y a-t-il véritablement un lobby organisé derrière cet effacement de l’histoire nationale du Québec, comme les auteurs de l’étude « Enseignement et recherche universitaires au Québec : l’histoire nationale négligée » le sous-entendent ? On a choisi de pointer les habituels démons : la réforme de l’éducation et l’omniprésence de l’histoire sociale, voilà les coupables de ce glissement tendancieux qui risque de nous faire tous amnésiques.

Il s’agit là d’une lecture militante — bien que les auteurs fassent eux-mêmes un appel à un enseignement de l’histoire protégé de l’obscurcissement des « préoccupations militantes »... Mais les faits parlent d’eux-mêmes et suffisent pour alarmer. L’enseignement de l’histoire contourne des pans essentiels de ce que nous sommes, contribuant ainsi à vider de sa substance fondatrice un peuple.

Source

http://www.ledevoir.com/societe/education/332902/enseignement-de-l-histoire- (...)
http://www.vigile.net/Ignorance-collective


 

3) Comment apprendre, tout de même, l’histoire du Québec

Comment apprendre l’Histoire de la fondation de votre pays par les Français

d’une façon amusante et ludique pour les jeunes générations...

Marie-Hélène Morot-Sir

Tribune libre de Vigile - Mardi 22 septembre 2009  

Pendant des dizaines d’années, Natagan a mis patiemment ses pas dans ceux de son ancêtre Guillaume Couture, un de ces premiers pionniers courageux qui est principalement connu pour avoir été le premier défricheur de Lévis, cette terre située juste en face de Québec, recouverte, à cette époque-là, de bois épais et touffus. C’était un véritable repaire d’Odinossonis (Iroquois) qui en avaient fait un lieu de surveillance des Français particulièrement bien placé, prêts à leur sauter dessus à la moindre occasion, mais grâce à Natagan nous savons à présent que Guillaume n’a pas été que ce premier défricheur-là, mais qu’il a joué un tout autre rôle… Les récits des Historiens interpellaient Natagan, des failles apparaissaient dans leurs narrations, dans les dates, il voyait bien qu’il manquait des morceaux dans la vie de son glorieux ancêtre, il a alors remonté le passé, il a déroulé des fils qui l’ont amené à suivre, entre autres, les récits des historiens américains descendants eux-mêmes d’Amérindiens. Durant des années, il a vérifié, recoupé des faits, il a fouillé dans les actes notariés afin de rechercher l’authenticité des dates et des faits qu’il trouvait, au fur et à mesure de son avancée, dans tous ces vieux grimoires d’un temps révolu, et pourtant bien présent sous ses yeux. Ce véritable travail d’investigation nous laisse réellement stupéfaits et admiratifs.

Natagan désirait plus que tout que les Québécois puissent mieux connaître leur prestigieux passé afin d’en être fiers. Ce passé s’est construit avec les tribus Amérindiennes, ce passé s’est bâti sur l’amitié et la fraternité partagés, si totalement même, qu’il a vu émerger un nouveau peuple, le peuple franco amérindien. Après la conquête, tout a été fait pour séparer les deux peuples puisque diviser pour mieux régner est, hélas, une stratégie fort bien connue !

En parcourant la vie de Guillaume Couture, toute cette première période de l’arrivée des Français se déroule sous nos yeux enthousiasmés, et Natagan a profondément senti que pour les petits Québécois, au lieu de lire n’importe quelle bande dessinée de héros inventés ou de regarder des films aux scénarii improbables, ne serait-il pas temps qu’on puisse leur montrer des héros qui ont réellement existés, en leur décrivant la vie de leurs propres ancêtres ? Vous avez particulièrement de la chance d’avoir des Guillaume Couture dont la vie aventureuse et périlleuse pourrait enthousiasmer votre jeunesse, entouré de ses compagnons, Zacharie Cloutier, Olivier leTardiff, les frères Mathurin et Pierre Gagnon, Pierre Esprit Radisson et son beau-frère Chouard Médard Des Groseillers… Et tant d’autres aussi téméraires et courageux, (je repense à Jean Guay inventeur des premières barques solides qui ont permis de traverser le fleuve devant Lévis !) qui après avoir quittés leur douce terre de France sont arrivés sur ces terres-là paraissant au premier abord bien " froides et hostiles" pour créer votre pays !

Natagan nous a laissés hier, pour rejoindre dans les pays de chasse son merveilleux ancêtre et tous ses compagnons, y compris le grand chef Onnaontagué Garakontié, ou encore Kondiaronk grand chef Wendat..

Natagan n’est plus ! Natagan personne ne t’oubliera jamais ! Ce nom d’origine amérindienne aux consonances étranges a toujours fait résonner en nous le charme d’un passé révolu… Il nous reste aujourd’hui ton désir fou, après le livre sorti en France en mars 2009, de voir un film retracer la vie de Guillaume qui enthousiasmerait la jeunesse et leur apprendrait mieux que des cours scolaires, l’Histoire de la fondation de leur pays, Histoire particulièrement remplie d’incroyables et de terribles aventures.

http://www.vigile.net/Comment-apprendre-l-Histoire-de-la

 

Publié dans Culture

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