La difficile aventure de l’indépendance des États unis d’Amérique (3)

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Par Marie-Hélène Morot-Sir

Troisième partie

Pendant la sortie de la flotte un grand nombre de dépêches étaient arrivées à la Chesapeake, l’amiral de Grasse en prit rapidement connaissance, en premier il ouvrit celle de Georges Washington : “ J’ai le plaisir à votre retour dans la baie d’exprimer à Votre Excellence, mes félicitations et je suis heureux que vous ayez effectué votre jonction avec l’escadre du comte de Barras. J’éprouve une satisfaction particulière à féliciter Votre Excellence pour la gloire d’avoir chassé la flotte anglaise de la côte, et capturé deux de leurs frégates. Cet heureux événement et la supériorité évidente de votre flotte nous apportent les heureux présages du plus complet succès de nos opérations combinées dans la baie ... ”  G. Washington terminait son mde-grasse.jpgessage en disant qu’il avait, avec Rochambeau et La Fayette, le vif espoir d’avoir l’honneur d’un entretien avec lui.

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Grasse lui répond aussitôt, au matin du 16 septembre 1781, lui disant qu’il a dû certainement trouver tous les bateaux nécessaires au Nord de la baie, pour transporter à travers celle-ci, ses troupes et celles de Rochambeau ainsi qu’il en avait exprimé le désir, afin de faciliter à tous ces valeureux soldats, épuisés par toutes les marches successives depuis l’Amérique du Nord, leur arrivée jusqu’à Yorktown, et leur jonction avec La Fayette.

Puis de Grasse propose d’envoyer un canot commandé par M. de Villéon pour leur faire faire le trajet aussi commodément que possible, afin qu’ils puissent se rencontrer, et enfin il ajoute, pressant ainsi G. Washington de passer à l’attaque, car de son côté le service du roi l’attend aux Antilles : “ .. Le temps passe, l’ennemi en profite, et la saison s’avance où malgré moi je serais obligé d’abandonner des alliés pour lesquels j’ai fait tout mon possible, et plus qu’on ne pouvait attendre. 

Ce sera en définitive la frégate Queen Charlotte, une prise anglaise, que Grasse put détacher pour amener plus confortablement G. Washington et les deux généraux Français, ce 17 septembre 1781.

Une animation inaccoutumée règne sur le Ville de Paris. Pont et dunette viennent d’être briqués de frais, des fleurs jonchent les ponts, et les officiers tout chamarrés d’or, donnent à l’austère vaisseau, un air inattendu et gai, de réception mondaine. Immobile sur la dunette, Grasse domine tous ses officiers de sa haute taille, son visage grave, son regard volontaire révèlent la noblesse et son âme de chef. Il a revêtu son grand uniforme à épaulettes, ceint son épée et arbore ses croix dont celle de Saint Louis, scintillante de pierreries. Il s’apprête à recevoir le général en chef des armées américaines, Georges Washington, accompagné de ses officiers et des généraux Français, Rochambeau et La Fayette.

Aux drisses des vaisseaux français, claque le grand pavois, tandis qu’aux sommets des mâts flottent non seulement le pavillon blanc du roi de France, mais aussi les treize emblèmes étoilés de la jeune république d’Amérique… La chaloupe de la Queen Charlotte a abordé le vaisseau amiral, un à un les chefs alliés grimpent la rude échelle de coupée, tandis que le canon tonne treize fois.

Voilà George Washington en grand uniforme de l’armée américaine, épée au côté mais tête nue, suivi de Rochambeau et de La Fayette, tous deux chefs des armées françaises, enfin d’autres officiers américains tels Henry Knox, du Portail, ou encore le gouverneur de Virginie Benjamin Harrison et d’autres personnalité venues avec Washington.

Après un grand dîner servi dans la grande chambre décorée aux couleurs de France et d’Amérique, des toasts sont portés au roi de France, au Congrès, aux chefs des armées. Levant sa coupe à l’indépendance américaine, Washington la proclame “ à présent trop affirmée pour pouvoir désormais être ébranlée. ” Enfin une séance de travail, très importante, suivit ce repas. Les secrétaires traduisaient eu fur et à mesure : “ Le noble et généreux secours, qui est donné par sa Majesté très Chrétienne à ce pays, remplit d’amour et de reconnaissance comme il se doit, le cœur de tout américain. Le zèle et l’activité qu’apportent ses officiers dans l’exécution de ses intentions royales méritent au plus haut degré notre admiration. Mais la détresse et la situation malheureuse de ces tout nouveaux états unis d’Amérique sont telles qu’il est impossible que les opérations militaires soient poussées avec toute la célérité qui serait à désirer. Le succès est certain si la flotte française puissante qui est actuellement dans la Chesapeake, peut y rester jusqu’à l’issue d’une attaque régulière, mais qui risque d’être prolongée au-delà de notre attente actuelle. Votre Excellence est-elle restreinte à un temps limité sur cette côte ? ”

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Evidemment Washington désirait convaincre l’amiral de Grasse de ne pas repartir immédiatement pour cette mission du roi aux Antilles, mais de les soutenir jusqu’à la victoire totale…

Dans sa réponse, le comte de Grasse explique que son départ est fixé, d’après les instructions de Versailles, au 15 octobre, “ des engagements contractés pour d’autres opérations l’obligent à se piquer d’exactitude ”, mais ayant pris déjà beaucoup sur lui, pour venir les aider dans cette baie, il prendra encore sur lui de rester jusqu’à la fin d’octobre, mais bien sûr, pas au-delà. Cela signifiant que Yorktown devait être prise au plus tôt ! De nombreux autres points furent alors discutés et réglés et, de retour dans ses lignes, Washington écrira une lettre de vifs remerciements à l’amiral de Grasse.

Pendant que toutes ces discussions avaient lieu, il ne faut pas oublier les Anglais !

Evidemment ces derniers ne perdaient pas de temps, ils étaient en train de regrouper leurs vaisseaux, pour tenter d’opposer à l’armée navale française de l’amiral de Grasse, une flotte qu’ils voulaient cette fois invincible. De Grasse le redoutait car sa position d’attente au mouillage dans une baie, risquait de se refermer sur sa flotte comme un véritable piège.

Le chef du premier corps expéditionnaire français en Amérique, La Fayette, vint annoncer à l’amiral de Grasse que les renforts des armées de terre arrivaient, et lui demanda s’il lui serait possible de mettre quelques vaisseaux devant les monts d’York, ainsi que dans la rivière James, pour contrôler ces deux points. Il n’était pas très grand, mais il était charmant et très jeune, élégamment vêtu de l’uniforme de l’armée américaine, sous lequel il combattait pour soutenir l’armée de Washington, à ses épaulettes brillaient les étoiles d’or de son grade.

De Grasse accéda à cette demande malgré toutes les difficultés que cela risquaient d’entraîner, et en retour reçut une nouvelle dépêche de Georges Washington ainsi libellée : “ Les décisions que votre Excellence a prises dans ces circonstances prouvent qu’une grande âme sait faire des sacrifices personnels, grâce à vous nous allons faire du bon travail. ” Signé G. Washingon  

Cependant, de Grasse, très vigilant, resta à l’entrée de la baie pour parer à une éventuelle attaque de la flotte anglaise. Dans une autre missive, il écrivait au général américain que le temps pressait terriblement, car il venait de recevoir de nouvelles dépêches du ministre de la marine M. de Castries, et il devait être rendu à la fin octobre “ au lieu marqué où je dois être joint par des forces, pour une autre expédition, vous sentez quelle position est la mienne ou de vous quitter en vous faisant perdre le fruit de la campagne ou de faire manquer le projet de la cour. 

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Se rendant aux raisons impératives de l’amiral de Grasse, le 28 septembre 1781 Washington, ayant enfin terminé l’investissement de la forteresse, passait à l’attaque du camp retranché de Yorktown et la bataille de Yorktown commença.

Le général Washington lança sa première attaque contre les défenses extérieures de la ville, constituées de dix redoutes, seize batteries de soixante-cinq canons, tenues par deux cents  allemands et cinq cents anglo-américains, restés loyalistes à la couronne d’Angleterre. Deux jours plus tard, ces défenses cédèrent, ils furent obligés de se retrancher à l’intérieur des fortifications.

Les provisions pouvaient leur permettre de tenir six semaines, en fait ils n’en tiendront que trois. Grâce au matériel de siège et aux mortiers apportés par l’amiral de Barras, l’attaque fut magistralement organisée, d’autant plus d’ailleurs que tout avait été fort correctement et fort prudemment calculé, afin que l’ennemi ne puisse s’échapper par mer, bien surveillé par les bâtiments de Grasse.

Il restait néanmoins, une petite inquiétude pour la partie Nord par laquelle il était difficile, à cause du sol tourmenté, de positionner une grande surveillance…

Les forces en présence étaient à peu près égales. Cornwallis pouvait aligner seize mille hommes car la garnison comprenait sept mille soldats réguliers auxquels il fallait rajouter neuf mille loyalistes anglo-américains, des allemands et d’autres encore de diverses nationalités, mais aussi près de sept mille esclaves qu’il avait été prendre dans les plantations de Virginie et s’ils ne portaient pas les armes, ils travaillaient sans relâche à consolider les fortifications.

En face, le général Washington n’alignait que quinze mille soldats mais la formidable artillerie des vaisseaux de France, s’ajoutait au potentiel de guerre des alliés. C’est pour cela qu’il voulait obtenir de l’amiral de Grasse de faire remonter l’York à ses vaisseaux, afin de renforcer les positions de ce côté en bloquant toute possibilité de communication de Cornwallis, avec Gloucester d’où aurait pu lui parvenir quelque secours. 

Grasse ne souhaitait pas faire exécuter à quelques-uns de ses vaisseaux “ cette manière dangereuse dans une rivière étroite et peu profonde où Cornwallis aurait toute facilité pour les faire facilement incendier, en envoyant près d’eux des brûlots ou des chaloupes chargées de paille et de poudre… 

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Le 9 octobre, les batteries du siège ouvrait le feu sur la forteresse, incendiant même dans l’York le vaisseau Charon ainsi que trois transports, ce qui fit que Cornwallis  n’était plus défendu de ce fait, que par la seule frégate Guadeloupe. 

Grasse commenta ses impressions par un billet adressé à Washington : “ J’ai entendu cette nuit un tapage considérable, sans doute avez-vous mesuré vos instruments avec ceux de Cornwallis… Faites-les-moi danser de la bonne façon ! 

Le 14 octobre, Washington renouvela sa demande de remonter l’York, de Grasse finit par accepter à condition que “ vous puissiez mettre suffisamment de chaloupes pour écarter les brûlots de mes vaisseaux, je pourrais alors, malgré le risque de recevoir des boulets rouges, remonter la rivière. 

Puis, de Grasse renouvelait sa demande de hâter les opérations car, plus que jamais, il redoutait “ le retour de la flotte anglaise et d’être enfermé dans la baie, ce qui rendrait impossible cette année l’attaque de la Jamaïque que Louis XVI avait promise aux Espagnols en échange de leur aide, en permettant alors aux Anglais d’aller ravager les Antilles. 

Par bonheur, toujours pas de nouvelles de la flotte anglaise, bien que le comte de Grasse s’attendait chaque jour, à voir surgir les hautes mâtures des vaisseaux à trois ponts de Hood, ou de Graves, derrière les caps de Virginie. Quelqu’un d’autre, Cornwallis, lui aussi, n’était pas moins étonné et même décontenancé de ne recevoir aucun secours de l’amiral anglais Graves. Il lui avait pourtant écrit ! Il avait également envoyé plusieurs missives au général Clinton, tandis qu’il était attaqué et encerclé dans la forteresse, et cela dans une situation plus que critique.

L’offensive se poursuivait sans discontinuer, d’autres redoutes furent prises par les forces franco-américaines qui avancèrent sous le feu de l’ennemi, sans faire usage de leurs armes à feu, marchant seulement à la baïonnette. Cette attaque était menée par le lieutenant Alexander Hamilton à la tête des troupes américaines, et à revers par les troupes françaises du baron de Vioménil.

Cornwallis tenta de briser le blocus par une contre-attaque du côté de la rivière Gloucester, mais en vain. C’était effectivement fortement bloqué aussi de ce côté, grâce aux vaisseaux de l’amiral de Grasse. Il ne restait alors aux Anglais qu’à mourir ou à se rendre, ce qu’ils firent pour éviter l’assaut, et les horreurs inévitables du pillage.

Le 17 octobre, aux environ de 10 heures, un tambour anglais précédé d’un drapeau blanc apparut à un des remparts de la forteresse, demandant au nom du général Cornwallis l’ouverture de pourparlers. Dans un message, le général anglais Cornwallis sollicitait un armistice de vingt-quatre heures, afin de rédiger avec des représentants américains les termes de la capitulation.

C’est donc le 19 octobre 1781 que Cornwallis, le grand chef des armées anglaises, signait l’acte officiel de la capitulation, les honneurs de la guerre lui étaient généreusement accordés.

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Les Anglais sortirent des fortifications et défilèrent entre deux lignes interminables formées par les troupes françaises et américaines, face à face. 

A la tête des troupes alliées se tenaient les généraux Washington, La Fayette, Rochambeau entourés de leurs états-majors au complet, ainsi que Benjamin Lincoln, futur président du Congrès.

L’amiral de Grasse s’était fait excuser, il était malheureusement frappé d’une forte crise de paludisme mais le comte de Barras, le plus ancien chef d’escadre de sa flotte, le représentait. Cornwallis était également absent, prétextant quant à lui une indisposition. Ce qu’on peut comprendre aisément, avec cette terrible et éprouvante capitulation d’Yorktown, c’était bien difficile à admettre pour lui, car non seulement cette forteresse, dans laquelle il s’était fait enfermer et prendre au piège, paraissait inexpugnable, mais en plus, après avoir été abandonné par les siens, il s’était retrouvé tenu à la merci de cet homme, ce Washington, qu’il avait lui-même si bien chassé à travers tout le New Jersey et poursuivi partout, en vain !

Ce fut le représentant de Cornwallis, le général O’Hara, qui se présenta donc à sa place, devant les chefs alliés. Il éperonna son cheval et se dirigea, fort curieusement, droit vers le général Français, le comte de Rochambeau, afin de lui remettre l’épée du vaincu. Le lieutenant général adjoint de Rochambeau, le comte de Dumas, intervint aussitôt à la demande de son chef, et désignant le général Washington lui dit : “ Vous faites erreur, Monsieur, le commandant en chef de notre armée est sur votre droite. ” Erreur volontaire des Anglais pour bien marquer qu’ils se considéraient vaincus, non par des “ rebelles de leur nation d’Amérique ” mais par une véritable armée régulière, Française ?

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Toujours est-il que l’épée fut remise à Washington, qui la transmit à Benjamin Lincoln, et ce dernier la fit restituer aussitôt à son légitime propriétaire, Cornwallis. Par ce geste diplomatique, les nouveaux Américains ménageaient l’avenir, et préparaient déjà la réconciliation.

Cependant le lent défilé lamentable des Anglais commença entre les deux rangées des soldats français et américains silencieux, tandis que les tambours rythmaient la marche des vaincus, suivant le protocole des honneurs militaires… Les quatorze articles de la capitulation étaient rédigés entre le général Washington, Rochambeau, La Fayette, De Grasse et le général Cornwallis.

Personne ne doutait d’ailleurs, que seule l’action continue de l’amiral de Grasse et de sa flotte depuis leur arrivée deux mois auparavant, avaient permis une aussi inconcevable victoire qui allait jeter la stupeur dans le camp anglais jusqu’à Londres, et à travers un monde habitué à voir l’Angleterre victorieuse sur tous les champs de bataille.

“ …La France, écrira l’amiral Rodney, ignorant alors superbement les Insurgents américains, a remporté la plus grande victoire et rien ne peut sauver l’Amérique ! 

Cornwallis rendait à Washington sept mille deux cent cinquante et un officiers et soldats, et huit cent quarante marins, vingt-quatre drapeaux, deux cent quatorze canons huit mortiers sept mille trois cent vingt armes diverses, et des munitions en quantité considérable, quatre cent cinquante-sept chevaux et soixante petites embarcations diverses goélettes et schooners, quant aux coffres ils contenaient onze mille dollars en espèces.

Washington félicitait les armées françaises de terre et de mer qui avaient rendu possible la présente victoire, et bien sûr il félicitait particulièrement l’amiral de Grasse et sa flotte “ la plus puissante qu’on ait jamais vue sur ces mers, commandée par un amiral dont l’heureuse fortune et les talents avaient permis ces grands évènements. ” Puis le 19 octobre, il écrira au Président du Congrès : “ Je pense de mon devoir de vous exprimer combien je me sens endetté à l’égard du Comte de Grasse et des officiers de la flotte française, sous son commandement, pour l’aide importante et l’appui qu’ils m’ont donnés. Entre eux et l’armée, la plus heureuse émulation de sentiments et de vue a permis une coopération et des relations des plus harmonieuses. ”

Le 28 octobre le Congrès des jeunes états unis d’Amérique votait des remerciements officiels à l’amiral de Grasse : “ Par les Etats-Unis assemblés en Congrès, il est décidé que des remerciements seront présentés à Son Excellence le comte de Grasse, pour l’habileté et la bravoure qu’il a déployées en attaquant et en battant la flotte britannique à la hauteur de la baie de la Chesapeake, et pour le zèle et pour l’ardeur avec lesquels il a donné, avec l’armée navale française, sous ses ordres, les secours et la protection les plus efficaces et les plus distinguées aux opérations des armées alliées en Virginie.

Il est décidé que les Etats Unis assemblés en congrès feront ériger à New York et en Virginie une colonne de marbre, ornée des emblèmes de l’alliance entre les Etats Unis et sa Majesté très Chrétienne, et chargée d’inscriptions exposant la reddition de lord Cornwallis à Son Excellence le Général Washington, à son Excellence le général Rochambeau et à son Excellence le comte de Grasse commandant en chef de l’armée navale de France, dans la baie de la Chesapeake. I

Il est décidé que le secrétaire d’Etat aux affaires étrangères sera chargé de requérir le ministre plénipotentiaire de sa Majesté très chrétienne et de l’informer du désir du Congrès, de permettre au comte de Grasse d’accepter quatre pièces de canon, comme témoignage de sa reconnaissance. 

Ce décret fut adressé à l’amiral de Grasse par Thomas Mc Kean, Président du Congrès américain, avec ces mots : “ J’ajouterai seulement, Monsieur, que votre nom et celui de la France seront à jamais chers au bon peuple de ces Etats, aussi longtemps que la gratitude sera une vertu. Votre sagesse, votre attachement aux intérêts primordiaux de ce pays, l’accomplissement effectif des vœux de votre souverain tout dans vos actes tend à vous faire aimer de nous, et vous donne droit à tous les témoignages d’honneur qu’il nous soit possible de vous conférer. 

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Thomas Jefferson, au lendemain de la victoire de Yorktown, convenant sans restriction aucune, que sans la France, il n’y aurait pas pu y avoir de victoire et encore moins d’Etats-Unis d’Amérique, rendra un hommage vibrant et sincère aux Français, en déclarant : « Chaque homme a deux patries, son pays et la France ! »

Tandis que Washington s’apprêtait à exploiter le fruit de sa victoire, l’Angleterre allait durement souffrir dans son orgueil et dans sa puissance, à l’annonce de cette capitulation qui mettait fin à ses rêves d’hégémonie, en Amérique du Nord. Mais seule une victoire décisive sur mer aurait pu laver cet affront au pavillon Britannique. L’amiral de Grasse le savait, aussi sa hâte était-elle toujours aussi grande de sortir de la baie de la Chesapeake, où toutes les mauvaises surprises restaient possibles.

Les articles de la capitulation de Yorktown donnaient à l’armée navale française toutes les prises maritimes, mais Washington ayant un besoin pressant de petits bâtiments de guerre, l’amiral de Grasse lui laissa la plupart de ces prises, entre autre la frégate ‘Loyalist’, les corvettes ‘Corps –Morrant’, ‘Queen Charlotte’ et ‘Bonetta’ qui, avec ‘le Bonhomme Richard’, un ex vaisseau français, formeront l’embryon de la future U.S Navy, qui cent soixante-quatre ans plus tard sera la plus puissante marine du monde.

Le 4 novembre 1781, légèrement en retard malgré tout sur son agenda, l’armée navale française avec vingt-huit vaisseaux de ligne, auxquels se rattachèrent les sept de l’amiral Barras, appareillait enfin pour les Antilles.

La capitulation de l’armée anglaise à Yorktown précédée de la défaite navale de la flotte anglaise devant la baie de la Chesapeake, retentit comme une bombe en Angleterre. Le mythe s’écroulait d’une Albion maîtresse des mers et des continents coloniaux. Aux Antilles, la perte des îles reprises par les amiraux Guichen, Estaing et de Grasse, avait déjà porté un coup important au commerce britannique, dont les produits exotiques faisaient la richesse.

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Aux Indes Orientales les victoires éclatantes de l’amiral de Suffren n’étaient pas non plus pour consolider la confiance d’un peuple, que l’entretien d’une si grande flotte, rajouté aux corps expéditionnaires, avaient pressuré puis épuisé.

Le Parlement anglais essaya de prêcher auprès du roi, non seulement la réconciliation avec les Insurgents d’Amérique, qui en gagnant leur indépendance avaient, certes, apporté un énorme camouflet à l’Angleterre, mais également la fin des guerres européennes.

Cependant, malgré la perte de Minorque, et le siège de Gibraltar, le roi s’obstina allant même jusqu’à menacer d’abdiquer ! Demander la paix après une défaite aussi cuisante que celle de Yorktown ? Jamais !

 

A suivre

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F
A la suite du commentaire précédant, je peux dire à vos lecteurs que moi aussi j’ai lu avec un très grand intérêt les livres de Marie-Hélène Morot-Sir sur notre Histoire, ils sont très bien<br /> distribués chez nous au Québec et nous sommes nombreux à l’apprécier . Ce nouvel article sur la reddition de Yorktown est tout à fait palpitant et nous démontre sans ambigüité que sans l’aide de la<br /> France et de ces Français valeureux, les très connus comme l’amiral de Grasse ou Lafayette, mais aussi tous les autres avec eux dont les noms ne nous sont pas connus ... les insurgés de Washington<br /> seraient restés à jamais sous la colonisation anglaise.. ils n’auraient jamais créé leur pays des états unis d’Amérique . point final ! Ils ne devraient donc jamais l’oublier !
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P
j’apprécie énormément et depuis le début, tous les articles que vous publiez sur l’Histoire de la Nouvelle France, cette Histoire qui s’est passée de l’autre côté de l’Atlantique, dont nous<br /> ignorons malheureusement trop de choses. Merci à Marie-Hélène Morot-Sir qui sait si agréablement nous la raconter.. je conseille de lire ses livres entre autres les deux tomes de “Au cœur de la<br /> Nouvelle France” absolument passionnant et si instructif.. merci à elle.
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P
Quel beau texte ! Merci à Marie-Hélène Morot-Sir de nous rappeler tout cela ainsi que ces phrases magnifiques “ Aussi longtemps que la gratitude sera une vertu...” ou encore “ Chaque homme a dans<br /> son cœur, deux pays, son pays et la France” Ces phrases sont terriblement émouvantes et si l’on se replace dans le contexte nous imaginons combien elles ont été prononcées sincèrement .. mais<br /> quelle reconnaissance peut-on avoir de ces anglo saxons? Nous avons bien vu leurs réactions contre la France au moment de la guerre en Irak !! Désolant !!
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P
Ce nouveau texte sur l’indépendance américaine nous en apprend énormément sur cette dernière bataille de Yorktown.. tant de choses que nous ne savions pas !..les difficultés de l’amiral de Grasse<br /> pour aller apporter les aides nécessaires aux troupes .... à cette lecture nous nous rendons compte combien l’aide de la France que ce soit en hommes sur le terrain avec la Fayette et l’armée de<br /> Rochambeau ou grâce à la flotte française avec l’amiral de Grasse combien tout cela a a été déterminant pour que les Insurgés anglo saxons gagnent et se libèrent de Londres..
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C
Bonjour, je me suis précipitée aujourd’hui pour venir lire le nouveau texte d’Histoire sur la Nouvelle France. Cette indépendance américaine m’intéresse aussi beaucoup puisqu’elle semble avoir eu<br /> des conséquences sur la vie des descendants Français par la suite..
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