Nouvelle France : Le Régiment Carignan-Salières

Publié le par jdor

Par Marie-Hélène Morot-Sir

Le jeune roi louis XIV tiendra la promesse qu’il avait faite d’envoyer des secours et des soutiens en Nouvelle France, après la visite de Pierre Boucher en 1661 suivie l’année suivante de celle de Monseigneur de Laval. Néanmoins il faudra attendre l’année 1665 pour que la Nouvelle France puisse voir arriver les premiers secours annoncés et en particulier le régiment de Carignan Salières.

prouville-de-tracy.jpgAlexandre de Prouville de Tracy - http://www.champlain2004.org/html/11/02_f.html

Le 30 juin 1665, le Lieutenant général, Alexandre de Prouville de Tracy arrive depuis les Antilles avec quelques compagnies de ce régiment qui étaient avec lui aux îles.

Ce régiment, nouvellement revenu de Hongrie s’était particulièrement distingué  contre les Turcs, et le roi l’ayant reçu en cadeau des mains de Henri  de  Savoie, prince de Carignano, tout à côté de Turin, le destinait maintenant pour faire la guerre contre ces partis Odinossonis (Iroquois), qui ne voulaient toujours pas entendre parler de  paix, empêchant, par leurs actions vindicatives et meurtrières, les Français installés de l’autre côté de l’Atlantique, de construire tranquillement leur nouvelle vie .

Les soldats de ce régiment portaient des surnoms qui leur avaient été donnés lorsqu’ils étaient entrés à l’armée, selon leur lieu d’habitation, leur physique, leur caractère ou encore selon leur métier, surnoms que l’on retrouve aujourd’hui, chez certains descendants ayant appartenu à ce régiment : Lapointe, Laplanche, Leparisien, Lajoie, Latulipe, Lafortune, Labonté Laferrière… Contrecoeur, Laporte et bien d’autres aussi charmants dans cette même configuration…

L’arrivée de Monsieur de Tracy est exceptionnellement grandiose, il se rend du port à l’église précédé de vingt-quatre gardes vêtus aux couleurs de sa Majesté, il est entouré de ses aides de camp, tandis que les cloches de la ville sonnent à toute volée sous les vivats de la foule, accourue sur le port, l’acclamant tout le long du parcours.

Monseigneur de Laval l’attend à l’entrée de l’église entouré des membres du clergé, revêtus de leurs habits sacerdotaux, tous le saluent avec une grande déférence, soulagés de le voir arriver,  voyant en lui « le sauveur de la colonie. »

Quatre autres compagnies de ce régiment étaient déjà là, elles avaient débarqué depuis les 18 et 19 juin précédents, mais à cause du retard des vaisseaux qui n’arriveront finalement qu’au mois de septembre, amenant les huit dernières compagnies, Monsieur de Tracy remettra à l’année suivante, la grande expédition armée contre l’Iroquoisie.

En attendant, il y avait fort à faire pour mettre la colonie en état de se défendre, il envoie donc une première partie de ces renforts sous la conduite du capitaine, Monsieur de Repentigny, afin de montrer tout de suite aux Odinossonis (Iroquois), qu’il y avait à présent en Nouvelle France, de quoi les renvoyer au fond de leurs Cantons, au moindre de leurs mouvements agressifs ou provocants.

Effectivement cet été-là, les récoltes purent être rentrées en toute sécurité, ce qui changea agréablement les habitants et leur redonna immédiatement le moral, puisque jusqu’à présent ils ne pouvaient moissonner qu’avec le fusil en bandoulière ou à portée de main. Cela permit par conséquent à la petite colonie de pouvoir mettre de côté toutes les réserves nécessaires pour l’hiver, chose qui ne lui avait jamais été possible de faire, durant toutes les années précédentes… soit soixante ans de « tracas » ce qui est un  bel euphémisme !

http://en.wikipedia.org/wiki/File:Fort_Richelieu_1695.jpgFort_Richelieu_1695.jpg

Monsieur de Tracy, sans perdre un instant, fait commencer immédiatement, par le capitaine Pierre de Sorel la reconstruction du fort Richelieu*, à l’entrée de la rivière Richelieu. Il ne restait en effet que des ruines de celui construit en son temps, par le chevalier Charles Huault de Montmagny gouverneur de la Nouvelle France en août 1642… Ce capitaine, Monsieur de Sorel, en restera le commandant. Le second fort est quant à lui, bâti au pied du rapide Saint Louis par Monsieur de Chambly qui en prit la direction, depuis il a été reconstruit en pierres et a pris le nom de cet officier.

Monsieur de Salières se chargera plus tard lorsqu’il sera arrivé à son tour dans la colonie, du troisième qui était situé à environ à trois lieues du second.

Ces travaux furent entrepris avec une telle diligence, que cela amena quelques craintes chez les tribus Odinossonis les plus vindicatives, principalement les Agniers (Annierronnons) en observant que le lieu de passage sur cette rivière Richelieu, par lequel elles déboulaient sans cesse sur la colonie, était ainsi obturé, même si elles trouvèrent rapidement d’autres endroits pour s’y introduire malgré tout, afin de pouvoir continuer leurs pénibles exactions.

Une autre partie de ce régiment arrivera le 12 septembre 1655 avec le colonel Henri de Chastelard, marquis de Salières, mais aussi avec le nouveau gouverneur Monsieur Daniel de Rémy de Courcelle, officier de mérite et d’expérience, pour remplacer Monsieur Saffray de Mézy qui avait été finalement, plus rapidement que prévu, destitué par le Roi, vraisemblablement d’après ce qu’il nous en a semblé, à cause d’une mésentente avec le clergé. Arrivée également de Vincent Basset du Tartre, chirurgien commandant avec vingt-quatre autres chirurgiens. Sur le même bateau arrive avec lui Monsieur Jean Talon, le tout nouvel intendant qui devra aider et participer au développement de tout le Pays.

Le Roi avait, cette fois, fait réellement plus que le nécessaire pour apporter tout ce qu’il fallait pour améliorer la vie des colons, qui depuis tant d’années ne se soutenaient que par eux-mêmes. C’est ainsi que l’on vit avec étonnement, sur ces vaisseaux qui avaient accosté au port devant Québec, plus de cent familles débarquer venant de Picardie, de Normandie ou encore de l’île de France, l’air heureux et satisfait de poser le pied sur le sol de cette Nouvelle France, dont on leur avait vanté tous les mérites avant leur départ. 

On découvrit aussi avec surprise, les premiers chevaux jamais importés encore jusqu’ici, mais aussi des vaches et des moutons, et mille autres choses tout à fait utiles et extrêmement nécessaires pour la petite colonie qui voyait arriver en une seule fois, bien plus qu’elle n’avait reçu toutes ces dernières années réunies.

Quelques temps après toutes ces magnificences, dont les Français si isolés depuis longtemps, avaient bien un peu de mal à admettre l’agréable réalité, les autres compagnies du régiment de Carignan Salières débarquèrent sur le port de Québec, les unes après les autres, s’échelonnant  ainsi durant tout l’été.  Cela constitua finalement une magnifique troupe de mille trois cents soldats, du jamais vu sur les bords du Saint Laurent !

Colbert.jpghttp://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Baptiste_Colbert

Pendant que Monsieur de Tracy supervisait l’édification des forts, Monsieur Talon restait à Québec, où il se mit lui aussi immédiatement au travail. Il se renseigna sur tout ce qui se passait en Nouvelle France pour voir toutes les améliorations qu’il était possible d’y apporter, ce qui lui permit, à partir du 4 octobre 1665, d’envoyer un long mémoire à Colbert, dans lequel il expliquait au ministre de Louis XIV, de quelle façon il pensait pouvoir améliorer l’état de la colonie.

Il faisait en même temps un très bel éloge de Monsieur de Courcelle mais aussi bien entendu, de Monsieur de Tracy, qui tous deux se donnaient avec enthousiasme dans leurs tâches respectives avec une étonnante efficacité. Monsieur de Tracy, malgré son âge avancé, était un alerte septuagénaire, qui s’activait à redonner, avec toutes ses troupes, de l’espoir aux colons Français.

C’est vers la fin décembre 1665 au milieu des glaces et du froid de l’hiver, que l’on vit Garakontié, grand sachem des Onnaontagués, une des cinq tribus Odinossonis,   parvenir  à Québec avec des députés, non seulement de son Canton, mais aussi de deux autres Cantons, les Goyogouins et les Tsonnontouans.

Il apportait de très beaux présents au nouvel Onontio Monsieur de Courcelle, (Onontio, nom donné à tous les Gouverneurs de la Nouvelle France depuis Charles Huault de Montmagny en 1636 (signifiant grande montagne : Mons Magny), et l’assura de la soumission de ces trois Cantons Odinossonis. Il parla avec modestie « mais non sans dignité des services qu’il avait rendus aux Français, puis il pleura à la manière du pays la mort du père missionnaire Le Moyne » qui venait de mourir et que la nation Odinossonis avait en grande estime. Il s’exprima avec tant d’éloquence et d’aisance, que tous en furent étonnés et le trouvèrent extrêmement agréable à écouter. Garakontié termina en demandant une paix générale, puis il sollicita la liberté pour tous les prisonniers que les Français avaient incarcérés à Trois Rivières.

Monsieur de Tracy qui l’avait lui aussi écouté avec une grande attention, lui démontra beaucoup d’amitié et lui accorda tout ce qui semblait effectivement assez raisonnable, puis après que Garakontié eut reçu à son tour des présents de la part du Gouverneur, ainsi que les députés des deux autres tribus, ils repartirent dans leurs Cantons.

Cependant cette visite ne conjecturait rien de bon du côté des Annierronnons et des Onneyouts puisque ces deux autres Cantons Odinossonis ne s’étaient pas joints à cette ambassade, ce qui démontrait, leur peu d’entrain à participer aux efforts de paix, ce n’est rien de le dire, et leur attitude négative entraîna la rapide décision d’aller au plus vite leur rendre une petite visite jusque chez eux, afin de leur faire comprendre, une bonne fois pour toutes, que « leurs nombreuses insultes passées et toutes leurs perfidies à venir » ne pouvaient rester toujours impunies.

Ce sont donc deux corps de troupes qui sont envoyés, le premier conduit par Monsieur de Courcelle et le second par Pierre de Sorel. Une partie constituée de soldats du Régiment de Carignan Salières, et l’autre partie de volontaires Français de Montréal conduit par Charles Le Moyne. Les Onneyouts prévenus de l’arrivée prochaine des troupes françaises chez eux, envoyèrent au plus vite des députés à Québec pour « détourner l’orage qui les menaçait » et qu’ils sentaient très fortement approcher.

courcelle.jpgMonsieur de Courcelle - http://www2.ville.montreal.qc.ca/archives/portraits/fr/fiches/P0451.shtm

Monsieur de Courcelle parcourut pendant ce temps avec ses troupes la distance qui le séparait du territoire des Agniers (Annierronnons) pensant les surprendre chez eux. Cependant la petite troupe s’égara, au lieu d’arriver dans leur canton, elle atteignit l’ancien territoire des Hollandais à Shenectaby, où se trouvait un des chefs Agniers, le bâtard Flamand, car les Anglais s’étaient en effet emparés deux ans auparavant de cette région de la Nouvelle Amsterdam. Monsieur de Courcelle demanda à l’ancien commissaire Hollandais Arent Van Corlaer de ne pas se mettre du côté des Annierronnons, afin de ne pas les renforcer contre les Français...

Le Gouverneur de la Nouvelle France, tout nouvellement arrivé pour prendre son poste, n’était pas encore vraiment, - pour ne pas dire pas du tout !- accoutumé aux rigueurs du climat de ce pays, il souffrit énormément par cette température glaciale de l’hiver canadien, les raquettes aux pieds, portant toutes ses provisions et ses armes, exactement comme tous ses soldats, dont plusieurs arrivés, eux aussi, tout juste de France avec le régiment de Carignan, eurent le plus grand mal également à s’habituer à ce changement de climat et  « furent estropiés de froid ! » 

Cette première intrusion aux pays des Agniers, s’il semble que ce fut un échec, parce qu’il n’y eut aucun affrontement, fit néanmoins comprendre à cette tribu Odinossonis, la plus belliqueuse des Cinq Nations Odinossonis, grande tueuse de Français depuis des dizaines d’années, que les Français étaient à présent résolus à les obliger à faire la paix, tout autant que pour les autres tribus Odinossonis. 

Les Odinossonis (Iroquois) n’attaqueront peut-être plus la Nouvelle France « Si celle-ci leur paraît le moindrement en état de se défendre. »  Ou encore : « C’est à la crainte que les Français leur inspirent qu’il faut nourrir, pour tenir en bride cet ennemi malfaisant. »

Monsieur de Courcelle revint néanmoins assez mécontent à Québec, il rejeta la faute de n’avoir pu mener cette incursion jusqu’à son terme, sur le Père Jésuite Charles Albanel, qui d’après lui, aurait dissuadé les guides Attichawata (Algonquins) de l’accompagner et de le conduire correctement jusque chez les Annierronnons, à un moment où il avait réellement besoin d’eux.

Effectivement le père en avait même parlé à ses supérieurs, il n’approuvait pas cette attaque chez les Agniers, il n’était pas d’accord et nous pouvons sans doute penser qu’il ne voulait pas exposer « ses » Amérindiens qu’il aimait beaucoup.

Jean Talon, ainsi que le supérieur des Jésuites, mirent néanmoins tout en œuvre, pour convaincre le Gouverneur de Courcelle, de ne pas poursuivre dans cette voie, et de laisser de côté ces accusations, bien certainement injustes et inutiles, contre le Père Albanel.

Le 14 septembre 1666, Monsieur de Tracy, malgré son âge voulut commander lui-même une autre démonstration de ces forces venues de France, Monsieur de Courcelle dirigeait l’avant-garde avec quatre cents hommes, Monsieur de Tracy le corps de bataille et Monsieur de Sorel conduisait l’arrière garde. Tout ce déploiement armé avançait en grand uniforme, aux boutons reluisants, aux épaulettes dorées, les étendards étaient déployées et flottaient au vent, la marche rythmée par le son des tambours entraînait inexorablement les escadrons en avant, tandis que les trompettes et les clairons résonnaient allégrement… La fanfare jouait « La marche de Turenne » composée par Lulli, venaient ensuite les militaires, aux couleurs distinctives de leurs régiments.

http://www.migrations.fr/regimentfortbarraux.htmregiment.jpg

Ce décorum et cet apparat, cet aspect si imposant du Régiment de Carignan surprirent complètement les Français de la Nouvelle France, séparés depuis si longtemps des splendeurs de leur mère patrie, et bien évidemment leurs alliés amérindiens encore bien davantage. Jamais jusque-là, ces derniers n’avaient combattu dans un tel équipage et avec un tel éclat en suivant les Français de la Nouvelle France, mais si cela les étonna et les déconcerta même profondément, cela effara plus encore les Annierronnons, non seulement ils en furent totalement désarçonnés, mais en plus complètement effrayés et même littéralement épouvantés !

Ils n’avaient jamais eu l’occasion de voir une telle démonstration de forces militaires, ni n’avaient jamais affronté une armée aussi importante et organisée. Cela les impressionna si considérablement qu’ils se retranchèrent prudemment au plus profond de leurs villages, espérant que les Français, malgré leurs nouveaux et assez terrifiants renforts, n’iraient pas les chercher jusque-là. Les premiers villages rencontrés étaient de ce fait, complètement désertés.

Les Français découvraient des cabanes soigneusement érigées, suffisamment grandes et confortables pour contenir plusieurs familles réunies, bien décorées, toutes parfaitement proportionnées, avec des planchers bien propres et des entrepôts creusés dans le sol, à la manière typiquement amérindienne, tous soigneusement remplis de provisions de graines, qui auraient permis de nourrir toute la colonie pendant plus de deux ans, au moins ! Cela montrait une existence villageoise structurée et très bien organisée que personne n’imaginait pour ces barbares qui s’étaient toujours montrés aussi exterminateurs et particulièrement cruels !

C’était sans doute un peu triste d’avoir à réduire tout cela en cendres, mais il fallait montrer à ces Annierronnons jusque-là si impitoyables et si réfractaires à vivre en paix avec les autres peuples autour d’eux, qu’ils avaient dorénavant à compter avec la Nouvelle France…

Les Français n’allaient plus leur laisser faire leur propre loi destructrice, c’est pourquoi sans plus tergiverser, ils continuèrent vers les autres bourgades, où les unes après les autres elles subirent le même sort jusqu’à ce qu’on trouve l’Ennemi, qui pensait être à l’abri, s’étant persuadé qu’on ne viendrait pas le chercher aussi loin dans son Canton !

Monsieur de Tracy voulait simplement lui démontrer qu’on était capable de le soumettre quand et où on voulait. Et cela fait, Monsieur de Tracy fit revenir les troupes à Québec, la fin octobre approchait, bientôt les rivières seraient gelées, il fallait se presser, mais malgré cela ils eurent bien à souffrir sur les chemins du retour, ils étaient si malaisés et si difficiles qu’un officier se noya dans la traversée du lac Champlain…

Arrivé à Québec, après avoir fait pendre quelques-uns des prisonniers, Monsieur de Tracy renvoya les autres chez eux, non sans leur avoir démontré sa grande bonté, de les laisser repartir.

Puis, pour sa part, quelques mois plus tard, il rentra en France, dès que les bateaux purent reprendre leur navigation sur le fleuve, laissant Monsieur de Courcelles et Monsieur Talon en charge de la Nouvelle France.

Enfin, une fois son travail terminé en Nouvelle France, le régiment de Carignan Salières s’apprête donc, en ce 14 octobre 1668, à repartir en France, il peut alors rentrer, sa mission est en effet totalement accomplie, laissant pourtant sur le sol de ce pays de Nouvelle France qu’il était venu secourir, tous ceux d’entre eux qui en exprimèrent le désir, selon la proposition du roi. Environ quatre cents soldats et officiers souscrivent à ce choix de ne pas revenir en France avec le reste du Régiment. Ils reçoivent du roi une somme d’argent assez conséquente pour s’établir en Nouvelle France. Quelques officiers obtiennent même, pour certains, des terres avec tous les droits et les devoirs des propriétaires de ces domaines, domaines appelés seigneuries sous la France de l’Ancien Régime. 

filles_de_roy.jpgLes Filles du Roi - http://grandquebec.com/histoire/demographie-nouvelle-france

Tous s’installent, construisent leur habitation, se marient, créent une famille et participent activement à toute la vie et à la construction de ce morceau de France d’Amérique du Nord… Plusieurs épousèrent des « Filles du Roi » et contribuèrent au peuplement de la Nouvelle France.

Ils laisseront cependant régulièrement de côté la truelle ou le marteau, ou encore le manche de la charrue, pour reprendre leur uniforme et leur fusil à la moindre alerte, Iroquoise ou Anglaise ou les deux à la fois, et cela aussitôt que la colonie a besoin d’eux.

De nombreux noms de lieux, de villes ou de villages portent le nom ou très souvent les surnoms des soldats de ce prestigieux régiment de Carignan-Salières, tels Chambly, Sorel, pour ne citer que ces deux grands noms particulièrement connus… La Nouvelle France ne les a jamais oubliés, leur postérité y subsiste toujours !

Ces Français en si petit nombre, s’éreintaient chaque jour pour créer ce pays, tout en essayant simplement de survivre, entourés des Odinossonis (Iroquois), spécialement le Canton, si impitoyables dans leur cruauté des Annierronnons, tout cela si éloignés de leur mère patrie, n’ayant trouvé, durant toutes ces années qu’un seul et unique recours, en eux-mêmes !

Louis XIV avait nettement pris conscience des difficultés des Français abandonnés à eux-mêmes, dans cette Nouvelle France, dénommée dans les textes officiels « dite vulgairement Canada » à cause de cet étrange et si joli mot Onnaontagué Gana-taa. Il s’était enfin déterminé à faire quelque chose pour eux, il avait accepté de tourner son royal regard vers ces régions septentrionales où une poignée de ses sujets Français s’acharnaient, on ne sait pourquoi, à créer un pays. Non seulement il envoya des soldats pour les protéger et tous les secours nécessaires, mais il envoya de nouveaux colons pour renforcer leur peuplement. La politique des autorités françaises au cours de cette période, soutenait enfin efficacement la petite colonie des bords du Saint Laurent, ce qui ne s’était jamais vu jusque-là, où alors à peine du bout des lèvres, comme nous l’avons déjà largement souligné. Et ce qui ne se verra jamais plus d’ailleurs !...

C’est pourquoi les descendants de ces Français peuvent être si fiers de leurs ancêtres qui ont bâti leur beau pays, à la seule force de leur courage, de leur enthousiasme et de leur joie de vivre.

 

*Le fort Richelieu avait été construit en 1636 sur la rive gauche de la rivière des Agniers rebaptisée Richelieu au pied des rapides, afin d’empêcher les Odinossonis et principalement les Annierronnons de pénétrer à tout bout de champ par la rivière qui leur servait de porte d’entrée sur la colonie afin de venir attaquer et tuer les Français alors qu’ils n’étaient déjà pas en bien grand nombre. Le gouverneur Charles Huault de Montmagny avait demandé pour cette construction une aide financière à Richelieu, ce dernier l’avait donné du bout des doigts considérant que c’était à la compagnie des Cent Associés de s’occuper des besoins de la petite colonie… Ce premier fort avait été construit en bois ainsi que sa palissade, ainsi que cela se faisait à l’époque, Montmagny lui donna lui nom de son « généreux » donataire ainsi que la rivière… Ce fort rendit de grands services pendant plusieurs années, en protégeant l’entrée de la colonie, mais il fut incendié par les Annierronnons en 1646 qu’il dérangeait à l’évidence énormément.

En 1665 le capitaine Jacques de Chambly fut chargé de le faire reconstruire tandis qu’en même temps d’autres forts seront alors élevés le long de cette rivière Richelieu jusqu’au lac Champlain, tels les forts Sorel ou Saint Jean de Richelieu, cette ligne de forts s’appelle aujourd’hui « la vallée des forts »

En 1709, Philippe Rigault de Vaudreuil fit remplacer la palissade de bois par une plus solide en pierre, et finalement entre 1709 et 1711 tout le fort sera reconstruit en pierre. Au moment de l’invasion anglaise par le lac Champlain, les troupes britanniques assiégeront le fort en 1760, avec à sa tête le colonel Derby, ne pouvant faire céder les Français, le colonel envoya un détachement dans les villages alentour d’où ils ramenèrent les femmes et les enfants dont ils se servirent comme bouclier humain sous les murailles du fort, protégeant de cette manière l’attaquant anglais ! Les défenseurs français cessèrent aussitôt le combat ce qui permit à la propagande anglaise de claironner que le fort se rendit sans se battre !

Publié dans Culture

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
G
Tracy arrive bien des Antilles avec quatre compagnies mais elles n'appartiennent pas au régiment de Carignan-Salière.
Répondre
P
Je découvre depuis hier vos articles sur la Nouvelle France et je veux vous dire combien je les trouve extraordinaires. bravo de nous parler de cette Histoire que nous connaissons trop peu !
Répondre
P
Je lis tous les textes que Marie-Hélène Morot-Sir écrit pour votre blog, avec un plaisir incroyable, sa manière claire, facile et si érudite de nous raconter l’Histoire capte notre attention et<br /> notre intérêt... J’ai lu avec le même enthousiasme les deux tomes qu’elle a écrit sur la Nouvelle France et j’ai tant appris grâce à elle sur ce passé du Canada français.. c’est un bien grand merci<br /> que je lui dis ici.. Merci aussi à vous Monsieur Dornac de publier ses récits qui intéressent autant de monde et personnellement qui m’a fait connaître ce grand auteur.
Répondre
J
<br /> <br /> Merci à vous et aux autres commentateurs, merci pour Marie-Hélène Morot-Sir, et merci de votre confiance<br /> <br /> <br /> <br />
M
je lis avec grand intérêt vos textes sur la Nouvelle France, c’est incroyable comment les choses se sont passées comment les rois ne finançaient pas les frais du peuplement de la colonie.. et tant<br /> d’autres choses y compris l’envoi de ce régiment si important pour aller aider les Français .. c’est un vrai bonheur d’apprendre tout ce passé-là, c’est faramineux !
Répondre
J
Passionnant ces deux textes de Marie-Hélène Morot-Sir en cette fin de semaine.. Continuez surtout ! Nous sommes nombreux à vous lire.. merci
Répondre