Les Amérindiens et les Français

Publié le par jdor

Par Marie-Hélène Morot-Sir

Les Amérindiens, ces Premières Nations, occupaient depuis des milliers d’années le territoire d’Amérique du Nord, bien avant l’arrivée des Français. Immédiatement, ces Français sont accueillis avec amitié, invités même à s’installer sur leur sol, par les tribus Algonquine et Attichawata, qui se trouvaient à leur arrivée sur les bords du Saint Laurent. Durant les cent cinquante ans où durera le Régime Français, les Amérindiens seront considérés, à l’époque de la Nouvelle France, au même titre que les Français de France. Les Français n’ont jamais voulu les assimiler, ils se sont mis à apprendre les langues amérindiennes, et pour cela, ils accompagnaient les tribus durant tout le temps de leur saison de chasse d’hiver, dans des courses longues et exténuantes, supportant toute la fatigue de cette vie si nouvelle et si rude pour eux, à laquelle ils s’adaptaient sans rechigner, à peine étaient-ils descendus des vaisseaux du Roi… Ils ont alors appris à survivre au fond des bois comme les Amérindiens, ainsi, à leurs côtés, ils ont appris à fabriquer des canots d’écorce pour pouvoir circuler sur les fleuves et les rivières, qui sillonnaient cet immense pays, à marcher avec des raquettes aux pieds, à manger comme eux la mousse des bois, ou l’écorce des arbres, lorsque la chasse n’avait pas été bonne, à dormir sur la neige sous un simple abri de branchages… Cette vie, au cœur même des tribus, leur permettait, par la suite, de servir d’interprète mais surtout cela leur permettait de se rapprocher davantage des Amérindiens, de mieux s’entendre avec eux en créant ainsi de merveilleuses amitiés.

Les Français, dès leur arrivée, s’étaient donc liés d’amitié non seulement avec de très nombreuses tribus amérindiennes, les Algonquins et autres Attichawata, mais ils étaient même parvenus à s’entendre avec quelques tribus d’Odinossonis, comme nous l’avons souvent constaté au cours des ans, et cela s’est vu particulièrement pendant de longues périodes, entre autres avec la tribu des Onnaontagués, et principalement avec un de leur grand sachem, le merveilleux Garakontié. Ce grand sachem a défendu bien souvent les Français, des inimitiés - un bel euphémisme pour ne pas dire plus ! - des cruels Annierronnons, une autre tribu de ce peuple Odinossonis regroupant Cinq Nations. Cette tribu des Annierronnons a été celle qui a le plus tué et torturé de Français.

Lorsqu’on se plonge dans ce Passé, c’est non seulement extraordinaire mais totalement incroyable à la fois, de constater à quel point les liens créés entre Français et Amérindiens, ont été importants alors. C’est donc terriblement triste et décevant de constater combien il existe aujourd’hui de distance, entre tous les descendants Français et tous les descendants Amérindiens, eux qui autrefois avaient réellement fusionné en amitié profonde, sincère, mais également fusionné au-delà, puisque tant de mariages avaient eu lieu et bien des enfants étaient nés de ces merveilleuses unions au plus profond des bois… A tel point même que l’on peut, à juste titre, se demander, qui n’a pas une grand-mère amérindienne parmi les descendants Français et qui parmi les descendants Amérindiens n’a pas eu un ancêtre Français ? 

Les conquérants anglo-saxons ont vraiment bien manœuvré en donnant des avantages aux uns pour les séparer des autres, en leur faisant miroiter des droits particuliers qu’ils ont obtenus, comme nous avons pu l’observer pour certains descendant Wendat, réclamant, quant à eux, cette terre de Lorette sous le prétexte que c’était la terre de leurs ancêtres.... Oui, mais si cette terre était bien une concession qui leur avait été donnée par les jésuites, cela l’avait été seulement en 1674 afin de secourir ces Wendat Hurons réfugiés à l’île d’Orléans, où depuis 1650, trois cents d’entre eux, trois cents pauvres rescapés avaient été sauvés et amenés, à leur demande expresse, par le père Ragueneau, et cela au bout de trente-cinq longs jours de marche à pied, marche épuisante et terrible pour franchir les mille deux cents kilomètres séparant la Huronnie de Québec, croyant à chaque instant qu’un parti Odinossonis allait surgir des hautes herbes, ou d’un fourré voisin pour les achever, après avoir détruit tous leurs villages et les avoir pratiquement tous tués… C’est ainsi que ces rescapés ont été sauvés par les Français, et qu’ils sont arrivés depuis la baie Georgienne, depuis leur lointaine Huronnie. Il est donc impossible d’oublier que leur terre, la terre de leurs ancêtres amérindiens Wendat, se trouve par-delà les grands lacs, au bord du lac Huron, et non pas à Québec.

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Le père Chaumonot, de retour d’un voyage en Italie où il avait été guéri après avoir imploré Notre Dame de Lorette, avait fait construire une petite chapelle sur les terrains offerts aux Wendat par les jésuites. Ces terrains étaient situés un peu au Nord de la ville de Québec, et plus tard le nom de la chapelle a été donné à tout le quartier. C’est ainsi qu’il est devenu le quartier « Lorette ».

Pourquoi ces Odinossonis avaient-ils depuis des siècles juré l’extermination de ce peuple Wendat ? Simplement parce qu’autrefois les Wendat faisaient partie eux aussi de leur même nation Odinossonis, jusqu’au moment où, à une époque lointaine, ils avaient fait sécession. Encore toute une autre longue histoire !

Pour tous ces descendants sur le sol du Québec, cela devrait être important de retrouver cette amitié ancienne, cette affection et tous ces liens créés, cela devrait être une vraie priorité aujourd’hui… Malheureusement, la séparation orchestrée depuis  253 ans par le conquérant a bien eu lieu, a même si parfaitement réussi, en montant les gens les uns contre les autres, qu’actuellement personne ne semble vouloir se pencher sur ce passé, chacun rentre tristement dans le jeu de ceux qui veulent continuer à toujours plus diviser, à toujours plus faire monter les tensions entre les groupes humains, c’est aussi un signe de leur pouvoir, une manipulation qui leur permet de diriger et de gouverner à leur gré !

L’épineux problème Odinossonis (iroquois) est aujourd’hui toujours d’actualité et c’est plus particulièrement, comme cela l’a toujours été dans le Passé, celui de cette tribu des Annierronnons. Ils avaient été appelés Agniers par les Français, pour faire plus court sans doute ? Ce sont les Anglais qui les ont baptisés Mohawk, tout comme la rivière des Agniers est devenue depuis lors, la rivière Mohawk.

Cette tribu Annierronnons /Mohawk, vivait alors au sud du Saint Laurent le long de la côte Est des Etats-Unis d’aujourd’hui, rejoignant ainsi l’île de Manatte (Manhattan) où les Hollandais s’étaient fixés lorsqu’ils avaient fondé la Nouvelle Amsterdam. Les quatre autres tribus Odinossonis s’étalaient en éventail jusqu’aux rives du lac Ontario et le long de la rivière Chouanon (Oswego), où se trouvait le territoire des Onnaontagués. Plus tard, lorsque les Anglais s’empareront de la Nouvelle Amsterdam en 1664, ces derniers feront tout pour monter plus particulièrement, cette tribu des Annierronnons, contre les Français et la Nouvelle France, mais aussi bien entendu entraînèrent dans cette voie les quatre autres tribus formant ces Cinq Nations Odinossonis (ou iroquoises).

Pendant pratiquement tout le Régime Français, en dehors de rares périodes de paix, ce peuple des Odinossonis a empêché les Français de vivre tranquilles, de cultiver leurs champs, de construire aisément leurs maisons, de défricher la terre... Combien de personnes attaquées et tuées en plein au milieu de leurs champs et de leurs cultures, alors qu’ils n’étaient qu’une poignée, combien de temps perdu, pour les colons de la petite colonie, à construire des palissades pour se protéger au lieu de bâtir leur pays de Nouvelle France ?

Nous avons de nombreux cas de référence tel celui de Pierre Boucher à Trois Rivières avec toute une organisation pour défendre la petite ville naissante, où la construction du fort Richelieu sur la rivière du même nom, cette rivière servait de porte d’entrée aux terribles Annierronnons pour débouler à toute heure du jour où de la nuit sur la Nouvelle France...

Combien de discussions et de Traités de Paix, passés avec ces tribus Odinossonis, afin que les Français puissent se consacrer à autre chose qu’à leur défense et à leur survie, mais ces Traités c’étaient encore et toujours ces vindicatifs Agniers, qui les violaient !
Pourtant, Frontenac, ce nouveau gouverneur, à peine avait-il mis le pied en Nouvelle France, qu’il avait compris d’où venait le problème d’insécurité et surtout comment le traiter, il obtint une bonne entente avec ces peuples, lors de son Grand Parlement à Cataracoui en 1673.

Depuis pas mal d’années, on voyait beaucoup d’Odinossonis convertis à cette foi catholique que dispensaient avec un courage et une abnégation inouïe les pères missionnaires, et parmi ces Odinossonis plusieurs personnes de cette tribu Agnier.  Ils venaient  s’installer à côté des Français à la Prairie de la Madeleine, pour échapper aux persécutions des non convertis de leurs propre tribus, pour vivre-là au plus près des Français, comme en effet Catherina Kathewika surnommée "le lys des Agniers", tant sa piété était grande !

Il a fallu la Grande Paix de Montréal du 4 juillet 1701 pour qu’enfin, tous ces Odinossonis acceptent non seulement, de faire une paix définitive avec les Français, mais surtout de faire cette paix avec toutes les autres tribus amérindiennes qu’ils pourchassaient et tuaient allégrement. Cette grande paix a été d’autant plus extraordinaire, que les Français ont voulu avant tout que toutes ces premières Nations la fassent entre elles, avant de la faire avec eux.

 Cela ne s’était pas vu jusque-là et cela ne s’est plus jamais revu depuis, un peuple arrivant sur un sol et ne voulant pas en chasser les habitants, ne voulant pas les exterminer pour leur prendre leurs terres, mais au contraire voulant vivre en bonne entente, en amitié avec eux…

Les Odinossonis ont pourtant bien eu le temps de constater, au cours de siècles écoulés, comment par la suite les Anglais les ont traités, les Anglais s’en sont servis contre les Français et lorsqu’ils ont pu s’emparer enfin de la Nouvelle France, ils les ont rejetés, ils leur ont pris leurs territoires, et à part, quelques avantages, distribués du haut de leur "grande bonté" afin principalement, de toujours bien les contenir contre les descendants français, ces Mohawks comme ils sont surnommés aujourd’hui, n’ont toujours pas compris combien ils ont été et sont toujours manipulés… Ils ont été un grand peuple amérindien, ils se retrouvent aujourd’hui pour la plupart dans des sortes de bidonvilles, n’ont pas de travail, volent pour survivre et se font ainsi détester des Québécois qui ne les estiment pas de ce fait.

carte-de-la-Nouvelle-France-003.jpgQuel peuple étranger a autant fait que ces premiers Français ? Les descendants français d’aujourd’hui peuvent en être terriblement fiers ! Tout ce qu’ont créé leurs pères et les pères de leurs pères avant eux.... Toutes les terres qu’ils ont défrichées, à la seule force de leur courage, de leur joie de vivre et de leur époustouflant enthousiasme… Toutes les découvertes qu’ils ont faites dans cet immense pays avec le peu de moyens dont ils disposaient, à cette époque ancienne… Tant de choses énormes, inouïes que nous pourrions décrire… Les explorations jusqu’aux montagnes Rocheuses, jusqu’à la Baie d’Hudson ou encore celle de Cavelier de La Salle jusqu’au golfe du Mexique… Tous les forts ou postes de traite qu’ils ont construits, sur les territoires immenses de la Nouvelle France d’alors, y compris sur ce qui est devenu depuis lors territoire états uniens, et qui ont été le fondement de nombreuses grandes villes modernes d’aujourd’hui tant états-uniennes que canadiennes.. tels Chicago,  Détroit…  Ahurissant !

Beaucoup de gens ressentent de l’orgueil pour mille fois moins que cela ! Ils sont des milliers à porter encore aujourd’hui le nom de ces ancêtres-là, quelle fierté pour eux... Ils leur ont passé le relais, car à présent leur pays est entre leurs mains, et le sang qui coule dans leurs veines ne leur donnera-t-il pas la force de relever ce nouveau défi, de rejeter enfin ce que tant aimerait voir inéluctable ? Ils ne doivent plus baisser la tête devant ceux qui n’ont rien fait si ce n’est leur prendre leur pays, cette Nouvelle France où tout fonctionnait déjà, où ils n’ont eu qu’à s’implanter ! Ceux-là, peuvent être uniquement satisfaits de s’être installés chez eux et de les avoir poussés le plus à l’écart possible, faute d’avoir pu les chasser... et ce sont ces descendants-là qui devraient s’excuser ? Impensable !

Cette entente Franco Amérindienne, avait été incroyablement forte, au point même, que le métissage avait bien eu lieu en effet, si bien qu’un nouveau peuple était né, le peuple Franco Amérindien.

C’est donc encore plus difficile de constater que les anglo-saxon ont si bien joué que personne ou si peu, ne se rappelle de cette entente, et de cette immense amitié, diviser pour mieux régner, c’est hélas trop bien connu ! Voilà ce qui est arrivé, et ce qui se poursuit encore de nos jours !

Comment faudrait-il s’y prendre, que faudrait-il faire pour contrer enfin cela, et faire resurgir cette grande amitié, avec non seulement les Agniers, mais avec tous les Amérindiens ? Cette amitié unique entre des peuples aux coutumes si différentes, cette amitié jamais observée jusque-là est-elle perdue à jamais ? Les Anglais ont-ils même réussi à occulter totalement cela ?

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P
Merci, ce que vous dites résonnes dans mon coeur.
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F
<br /> Pourquoi donc votre site français nous en apprend autant sur notre passé de la Nouvelle FRance, et pourquoi cela ne se passe pas chez nous au Québec? parce que nous sommes colonisés depuis deux<br /> cents cinquante trois ans ! voilà la réponse !François rené Tremblay descendant français<br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Ce que vous me dites est très touchant. Je vous en remercie vraiment...<br /> <br /> <br /> <br />
P
<br /> Comme l'avait un jour expliqué Marie-Hélène Morot-Sir, tant que les Français et canadiens Français et leurs alliés Amérindiens sont restés ensemble et unis ils ont toujours gagné.. La seule fois où<br /> ce général venu de France, Montcalm a voulu nous séparer en se passant des Amérindiens, on a vu ce que cela a donné .. Et depuis lors plus rien ne va ! Merci de ces textes si intéressants..<br /> <br /> <br />
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A
<br /> Tous vos textes sur la Nouvelle France nous en apprennent tellement à nous Québécois, et celui d'aujourd'hui sur les Amérindiens démontrant combien l'entente était extraordinaire dans le passé avec<br /> "nos" indiens est une chose merveilleuse qu'une grande majorité d'entre nous ignorions..de grands mercis à Marie-Hélène Morot-Sir pour tout ce qu'elle nous apporte semaine après semaine je fais<br /> suivre comme toujours autour de moi<br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Merci à vous !<br /> <br /> <br /> <br />
V
<br /> Bonjour, je ne manque pas un seul samedi, j'attends toujours avec impatience de lire vos nouveaux textes sur la Nouvelle France. Et celui-ci sur les Amérindiens est stupéfiant, il m'a profondément<br /> touché.. j'ignorais absolument cette incroyable entente Franco Amérindienne.. Remerciez Marie-Hélène Morot-Sir de tant apporter à vos lecteurs.. A quand un texte sur les Acadiens?..<br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> <br /> Je vous remercie pour votre enthousiasme ! Pour les Acadiens, je n'ai pas encore demandé à Mme Morot-Sir. Je ne veux pas abuser, elle est très, très occupée. Mais je finirai bien par lui en<br /> parler, n'en doutez pas !<br /> <br /> <br /> <br />