Le lac des Deux Montagnes… Un témoin silencieux du Passé !

Publié le par jdor

Un peu d'histoire à la fois du Québec et de la France - Il n'est jamais inutile d'apprendre... (J. Dornac)

 


 

Par Marie-Hélène Morot-Sir

Le lac des deux montagnes se trouve au Nord de l’île de Montréal, c’est un exutoire de  la rivière des Outaouais, rivière ainsi nommée à cause de la tribu amérindienne, portant ce nom qui vivait alors sur ces bords. Ce nom a été donné à la rivière, mais plus tard le nom même de la capitale canadienne anglophone, Ottawa, proviendra également du nom de cette tribu.

Les rivières, les lacs, les fleuves ont constitué les routes par lesquelles les Français ont pu avancer sur ce continent d’Amérique du Nord, le découvrir peu à peu tout en faisant la traite des fourrures pour survivre. A force de voir ces Français parcourir ces chemins d’eau, les Amérindiens les avaient surnommés « les chemins d’eau du Roi de France »

De même, la rivière des Français, située entre le lac Nipissing et la Baie Géorgienne qu’elle rejoignait, sans cesse parcourue elle aussi en tous sens, par ces Français audacieux en route vers la Huronnie et les grands lacs,  avait été nommée « la rivière des Français ».  De nos jours, les anglophones n’ont pas osé lui enlever totalement son nom, même s’ils la désignent d’un très succinct « French river » diluant de cette façon subtile la mémoire même de tous ces hommes au grand courage…  !

http://www.pecheexcursionquebec.com/site/lieuxpeche/lacdesdeuxmontagnes.html

paysage_02.jpgCe lac des deux montagnes a donc été un des passages importants de cette grande circulation des Français, car au-delà de ce lac s’ouvrait la route de l’Ouest, cet Ouest inconnu qui les attirait tant, devant certainement les mener jusqu’à la mer Vermeille,  aboutissant vers cette Chine tant recherchée… Le lac a vu, tout au long de ce 17ème siècle,  passer et repasser tant de ces Français aventureux, ces coureurs des bois, ces explorateurs, mais aussi tous ces missionnaires à leur suite, arrivant par les routes qu’ils avaient ouvertes… Le lac des deux montagnes était un de ces grands lieux de passage obligés en Nouvelle France, comme toutes ces routes fluviales, ces « chemins d’eau du roi de France » qui permettaient alors à ces premiers découvreurs venus de France, de parcourir ce pays et de s’enfoncer toujours plus loin, gagnant chaque fois de nouvelles terres au Roi...

Depuis Samuel de Champlain en 1603, lors de son voyage à l’île aux allumettes, le lac en avait vu tant passer… Etienne Brûlé, en 1615, en route pour le lac Huron, Jean Nicolet en 1634 se dirigeant vers le lac Michigan, Médard Chouard des Groseilliers avec son beau-frère le jeune Pierre Esprit Radisson, en route vers le lac Supérieur en 1659… Le chevalier Pierre de Troyes, en mars 1686 partira à son tour, il sera  à la tête d’une expédition pour se rendre à la baie d’Hudson, dans le froid glacial, chargé de toutes les glaces de l’hiver, ancien soldat du régiment de Carignan Salières, resté en Nouvelle France après que le régiment ait fait regagner le plus profond de leurs forêts aux tribus Odinossonis, permettant ainsi au petit nombre de Français établis sur les bords du Saint Laurent, de pouvoir profiter de quelques années de répit, afin  d’entreprendre enfin tranquillement, l’édification de la petite colonie... Pierre de Troyes, accompagné de trois frères Lemoyne, Pierre Lemoyne d’Iberville, Jacques Lemoyne de Marincourt et Jacques Lemoyne de Sainte Hélène mais aussi de l’abbé Sylvi, un provençal arrivé d’Aix en Provence, pour soutenir et aider moralement et religieusement les Amérindiens qui font aussi partie de l’expédition à la Baie, ainsi que ceux rencontrés au cours du chemin... Et tant d’autres encore, ils sont si nombreux qu’il est impossible de tous les évoquer ici, mais pourtant…citons-en encore quelques-uns, le Gouverneur Louis de Buade, comte de Frontenac, lorsqu’il se rendra à ce « Grand Parlement » qu’il avait organisé à Cataracoui en 1673 pour démontrer aux terribles Odinossonis ( Iroquois) la grandeur mais aussi la bonté des Français, puis Louis Joliet et le père Jacques Marquette, les premiers ayant trouvé la jonction avec le grand fleuve Metsi Sipi, le père des eaux, comme l’appelaient les tribus amérindiennes vivant sur ses bords ( « Mississipi » écrit comme du temps des Français avec un seul p ). Cavelier de la Salle et son expédition pour parvenir, en descendant le Mississipi, jusqu’au Golfe du Mexique et bâtir la grande Louisiane… Plus tard encore, Pierre Gaultier de la Varenne de la Vérendrye en route vers les Rocheuses, fut le premier à atteindre le Manitoba et Winnipeg, lui aussi symbolise le courage, la ténacité, l’esprit d’aventure de tous ces Français-là !… Mais combien il nous en reste encore à nommer  tout comme ses deux fils Louis-Joseph et François lorsqu’ils se dirigeront vers le  Sud-Ouest, en remontant le Missouri jusqu’à la rivière Yellowstone, jusqu’au moment où un écran de pierre leur barrera la route, ils auront atteint les Rocheuses ! Leurs guides effrayés ne voudront plus poursuivre, déçus les deux frères rebrousseront leur chemin et ne verront donc pas l’océan Pacifique, il faudra attendre le siècle suivant avec les états uniens cette fois. L’expédition militaire dirigée par Meriwether Lewis et William Clark durera deux ans, de 1804 à 1806, ils auront comme interprète un canadien Français, Toussaint Charbonneau, accompagné de sa jeune femme shoshone, la célèbre Sacagawea. Curieusement, au fin fond des montagnes Rocheuses qu’ils traverseront, ils entendront parmi les tribus indiennes qu’ils rencontreront quelques mots prononcés en Français, plus de cinquante années après le départ de la France de Nouvelle France…

http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Lac_des_Deux_Montagnes

Lac_des_Deux_Montagnes.jpgTous les noms connus, arrivés jusqu’à nous à travers les vieux grimoires du passé, les personnages célèbres, ont été bien sûr largement consignés, mais nous ne pouvons oublier tous ceux passés sous silence, les inconnus qui ont œuvré dans l’ombre des plus grands. Qu’aurait fait un Pierre d’Iberville aussi extraordinaire de fougue, de courage, d’audace et de génie qu’il ait été, sans cette centaine de miliciens Canadiens, de soldats Français et d’Amérindiens qui l’accompagnait ? Tant ont pris part avec lui à toutes ces expéditions, comme à la Baie d’Hudson par exemple, à Terre Neuve, ou encore dans les Antilles, mais tant aussi ne sont jamais revenus ! Qu’auraient pu faire les pères missionnaires sans leurs accompagnateurs et leurs guides Amérindiens ou Français qui ont tant de fois donné leur vie, sans que leur nom ne parvienne jusqu’à nous ? Nous pourrions bien sûr évoquer de très nombreux autres cas, tels les Gouverneurs successifs de la Nouvelle France, à commencer par le premier d’entre eux, le grand Samuel de Champlain, mais aussi Charles Huault de Montmagny, ou encore Louis de Buade comte de Frontenac… Qu’auraient-ils pu entreprendre, aussi importants et puissants étaient-ils, sans tous ceux qui ont œuvré dans l’ombre à leurs côtés ?

En prenant appui sur les documents du Passé, laissés par tous les auteurs contemporains de cette époque lointaine, il est donc possible de retracer ces souvenirs-là et d’évoquer tous ceux dont en général personne ne parle, ceux que l’Histoire a gaiement enfoui !

La race des « bâtisseurs » et de ces incroyables héros, ne s’est pas éteinte avec la mort de tous ces hommes au caractère généreux, intrépide et désintéressé parce qu’aujourd’hui encore tant d’autres hommes sont prêts à se lever capables de réaliser des exploits aussi prodigieux, dès que ce monde rempli d’embûches s’avèrera suffisamment en difficulté pour pouvoir, avoir besoin d’eux. Le sang de leurs ancêtres Français et Amérindiens ne s’arrêtera jamais de couler dans les veines de ces descendants-là, même s’ils ne le savent pas toujours.

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A
<br /> Marie-Hélène Morot-Sir a raison, la race des bâtisseurs ne s'est sans doute pas éteinte encore tout à fait chez nous, et j'espère qu'en effet elle arrivera à se relever pour de bon, mais voyez<br /> combien sont restés au chaud chez eux alors qu'il aurait fallu que le Québec entier se lève et participe à cette grande marche de l'indépendance!. Merci à Marie-Hélène Morot-Sir de nous soutenir en<br /> nous rappelant si bien notre Histoire, et à vous aussi Monsieur Dornac en transmettant ses écrits si intéressants sur votre blogue.<br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Vous me touchez beaucoup. J'espère pouvoir continuer à publier de nombreux textes encore<br /> <br /> <br /> <br />
V
<br /> Cela a été un grand plaisir de lire ce matin ce nouveau texte. Madame Marie-Hélène Morot-Sir nous emmène dans cet impressionnant passé en nous décrivant lacs et rivières de ce pays, tout en nous<br /> démontrant combien a été incroyable la tâche de tous ces Français là-bas, ne serait-ce que par les distances infinies qu'ils parcouraient !..Merci! cela donne envie d'en savoir toujours plus sur<br /> cette période, dont nous ignorons tant.<br /> <br /> <br />
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