En 1690 les attaques de la Nouvelle France !

Publié le par jdor

Par Marie-Hélène Morot-Sir

 Frontenac.jpghttp://chemindeserables.pagesperso-orange.fr/quebechistoire2.htm

Louis de Buade comte de Frontenac, gouverneur de la Nouvelle France est rappelé en France en 1682, à cause d’un complot, fomenté contre lui, à la fois par les Jésuites à qui il refusait de se faire dicter la politique pour diriger la colonie, et à la fois par l’intendant désireux de prendre le contrôle de la traite des fourrures. Frontenac reviendra cependant en Nouvelle France, quelques années plus tard, après une interruption de sept ans, lorsque le roi le rappellera en constatant que les deux gouverneurs suivants avaient engagé la Nouvelle France sur de bien mauvais rails. A ce moment-là, en 1689, il devra alors faire face aux Anglais devenus de plus en plus belliqueux et aux Odinossonis de plus en plus dangereux. 

En effet, juste avant le retour de Frontenac, au mois d’août 1689, les Anglais avaient incité les cinq nations Iroquoises à attaquer la Nouvelle France en lançant leurs guerriers contre le village de Lachine sur l’île de Montréal… Tout y avait été totalement ravagé, c’est un réel désastre pour les habitants et pour la jeune colonie ! Deux cents habitants ont été brûlés dans l’incendie de leurs maisons, tués ou mangés sur place, et quatre-vingt-dix autres sont emmenés prisonniers au plus profond de leurs cantons, ce qui malheureusement ne présageait rien de bon pour eux, lorsqu’on connaît l’infâme cuisine de leurs agresseurs !

A peine débarqué du vaisseau du roi qui le ramène, à peine a-t-il posé un pied sur le sol de cette Nouvelle France qu’il aime tant, Frontenac se rend immédiatement à Lachine, en cet automne 1689, pour constater les horreurs commises par ces enragés d’Odinossonis poussés par les Anglais.

Frontenac organise alors immédiatement les représailles, il n’hésite pas à envoyer trois groupes de Français et d’Amérindiens à l’assaut de trois villages de la Nouvelle Angleterre. Ils y arrivent après de longues marches, ils les détruisent à leur tour complètement et de la même façon en brûlant toutes les maisons en ravageant les récoltes des habitants… Corlar, Salmon Falls et Casco seront ainsi rasés par les Français cet hiver 1690, et les prisonniers seront ramenés à Québec sans être maltraités et encore moins torturés.

Bien évidemment, les Anglais sont absolument furieux, alors que Frontenac n’avait fait que leur rendre la monnaie de leur pièce, essayant par cette riposte leur faire comprendre à eux et à leurs alliés amérindiens qu’ils ne pourraient plus venir attaquer les Français sans en être sanctionnés et punis. Pourtant, une fois de plus, ils vont rapidement comploter à nouveau, afin d’attaquer et prendre la Nouvelle France. L’amiral William Phips est envoyé dès le printemps venu en Nouvelle Ecosse pour s’emparer du petit fort de Port Royal sur la baie des Français.

Il prend la mer à Nantasket le 28 avril 1690 avec une frégate de quarante canons, deux sloops de seize et huit canons mais aussi avec quatre navires transportant sept cents hommes engagés. Le premier mai 1690, la flotte anglaise de Phips jette l’ancre devant Pentagoêt. Le capitaine anglais John Alden est envoyé en reconnaissance dans les îles et dans les alentours, afin de savoir si « Casteen », comme les Anglais le prononcent, ce Français chef Amérindien Abénaquis, le baron de Saint Castin, s’y trouve, en effet les Anglais de Nouvelle Angleterre le craignent énormément lui et ses Abénaquis, car ils ont déjà maintes fois subi ses attaques…

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Jean Vincent d’Abbadie, baron de Saint Castin*, malheureusement, est absent de Nouvelle Ecosse, il a été appelé auprès de Frontenac.

Le 19 mai, les sept cents hommes et les navires de guerre peuvent alors attaquer en toute tranquillité le petit fort de Port Royal. Les habitants s’enfuient dans les bois, le gouverneur Menneval, malade, paralysé par une attaque de goutte, sans espoir de secours de Nouvelle France, bien trop éloignée, se trouvant sans officier et sans Saint Castin et ses Abénaquis, avec seulement autour de lui une minuscule garnison d’à peine soixante et dix hommes, le fort lui-même est en pleine réparations, les canons en mauvais état et d’ailleurs ils ne sont même pas installés en position de défense stratégique, et enfin pour comble de malheurs il ne peut être soutenu par la population acadienne rapidement enfuie dans les bois, totalement effrayé par les menaces de Phips de tuer et de brûler, de tout détruire... Que pouvait faire Menneval ? Il fut bien forcé d’accepter les conditions verbales de la reddition… Mais malheureusement l’amiral anglais n’était pas un homme d’honneur, il avait l’habitude de tout promettre et de ne rien tenir, rien accorder, tout est raconté dans son journal de bord : il fait rechercher dans les bois les habitants et fait prisonniers ceux qui ont pu être trouvés, il fait fouiller partout pour trouver leurs biens cachés, il s’attaque à l’église et à ses symboles religieux les plus visibles. Il démolit l’autel, arrache les images saintes, et met le feu à l’église pour finir. Puis il s’empare de toutes les armes et les munitions du fort, le comportement de ces puritains du Massachussetts démontre que c’était bien l’appât du gain qui les entraîne ainsi à piller à brûler pendant encore douze jours, malgré les promesses faites au gouverneur Menneval. L’abbé Petit et son vicaire Claude Trouvé sont eux aussi emmenés prisonniers sur les vaisseaux anglais pendant que les soldats rattrapent les habitants dans les bois et les enferment dans l’église, triste et bien mauvais présage sur cette façon de faire de ces Anglais qui soixante-cinq ans plus tard emploieront la même tactique au moment de la terrible déportation des Acadiens !

Phips peut être satisfait, ce grossier personnage lève enfin l’ancre, en laissant la désolation sur ce petit coin d’Acadie, le 21 mai 1690, sa mission est accomplie sans aucune difficulté il n’y a eu en effet aucune résistance de ce minuscule groupe de Français ! 

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Bien évidemment, renforcés par la prise de Port Royal, comme les Français s’en doutaient, les Anglais ne s’arrêtèrent pas là, ainsi, dès le 9 août suivant l’amiral Phips  est envoyé vers Québec où il arrivera le 16 octobre 1690 avec une flotte impressionnante de trente-deux navires. Sur leurs bateaux, les Anglais ont pris soin d’emmener, comme charmante attention, les otages Français, pris à Port Royal. Pourtant pendant que la flotte de Phips remonte le Saint Laurent, Frontenac qui se trouve à Montréal est averti de cette future attaque par un Abénaquis « des plus considérables », c’est le baron de Saint Castin. Cela donne le temps au gouverneur Français de revenir à Québec et d’organiser la défense de la ville.

Cette flotte ennemie remonte lentement le Saint Laurent aidée d’un pilote qui connaît, semble-t-il, assez bien les passages délicats, alors que l’automne flamboie encore, métamorphosant tous les arbres le long des rives, ainsi que ceux que l’on peut apercevoir au loin sur les collines, regroupés en bosquets éclatants, aux couleurs savamment entremêlées de rouges, d’orangés, de jaunes, ou de bruns… Le temps n’est pas à la poésie et pas un seul de ces soldats qui s’apprête au combat, ne doit penser à admirer cette Nouvelle France si belle, si douce au bord de son fleuve immense qui la baigne…

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Tandis que les navires de William Phips gagnent du terrain et seront bientôt devant Québec, une autre armée a été envoyé par les anglais afin de tenter d’attaquer la Nouvelle France par plusieurs fronts… celle-ci a, à sa tête, le général Wintrop, il essaie pendant ce temps de gagner Montréal par voie de terre. Heureusement pour les Français, mal guidé par quelques Iroquois pris comme éclaireurs, Wintrop va tourner longtemps en rond dans les bois, puis sur les rivières, sur lesquelles à force de pagayer pour arriver nulle part, la fatigue de ses troupes va vite se faire sentir, pour peu que se rajoutent de longs et difficiles portages avec plusieurs bataillons dont il a l’entière responsabilité… En définitive, ils seront complètement perdus et totalement incapables de rejoindre leur objectif ! Y a-t-il eu des Iroquois convertis au catholicisme dans cette équipe d’éclaireurs ? Avaient-ils été envoyés par les Jésuites de leur Canton, pour déjouer le plan infernal des Anglais ? Ou sans vouloir chercher un quelconque complot les Odinossonis qui depuis tant d’années jouaient avec les uns ou les autres, selon leurs intérêts propres, car ils n’étaient ni pour les Français ni pour les Anglais, ils étaient pour eux et seulement pour eux, les Odinossonis ! Peut-être ne voulaient-ils tout simplement pas voir battre les Français par les Anglais ?

Les questions sont certes intéressantes, mille autres se posent encore, mais impossible d’avoir à ce jour, la moindre réponse ! 

Phips, sur son vaisseau amiral, le « six friends » croise une embarcation qu’il s’empresse d’arraisonner. Tous les passagers sont immédiatement retenus sur les bateaux Anglais, dont Claire Bissot la femme de Louis Jolliet et sa belle-mère. Cette jeune femme est la fille de François Bissot, l’ami et le voisin de Guillaume Couture, à la Pointe Lévis. Un des navires appartenant à la flotte anglaise, tout en remontant le Saint Laurent, fait un arrêt à l’île d’Anticosti, il y incendie largement sans raison apparente, le poste de traite et de pêche de Louis Jolliet, tous les bâtiments érigés sur cette île, vont être détruits et brûlés ainsi que les animaux et toutes les cultures : on assistera à la politique de la terre brûlée !

De son côté, l’amiral anglais William Phips envisage de faire rapidement le travail pour lequel il est envoyé, et de prendre la ville de Québec avec autant de célérité que celle de Port Royal. Pourtant il va être surpris, Québec n’est pas Port Royal, la résistance est importante, les canons grondent du haut de la citadelle qui domine tout le fleuve, et surplombe aussi, d’une manière bien fâcheuse pour lui, tous ses propres navires. Ses vaisseaux essuient sans interruption leurs tirs nourris, ce qui l’empêche d’investir la ville, comme il l’avait pensé au premier abord, sans avoir, il faut le croire, vraiment étudié la question…

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En désespoir de pouvoir attaquer ces Français, il envoie alors un émissaire, Thomas Savage, au gouverneur Frontenac. Dès que ce délégué Anglais débarque, les Français lui bandent les yeux, non pas comme une quelconque rétorsion, mais pour l’empêcher de se rendre compte, que les défenses de la ville ne sont pas aussi importantes que ce qu’il pourrait le penser, puis pour l’amener à s’imaginer que le chemin qui conduit au fort est nettement inaccessible, ils l’emmènent par de nombreux tours et détours le long d’un sentier périlleux. En même temps pour lui donner le sentiment que les Français sont très nombreux, que la ville ne manque pas non plus de soldats pour la défendre, et surtout que parmi les habitants aucun n’est impressionné par ces bateaux ennemis qui campent là en bas, juste en face sur les eaux de leur fleuve, un petit groupe d’une douzaine de personnes, hommes et femmes réunis, s’amusent autour de lui en riant, en le bousculant comme si une foule nombreuse l’entourait, recommençant la scène tout le long du trajet. Après avoir fait durer un moment toute cette comédie, on le conduit devant Louis de Buade, comte de Frontenac. Enfin on lui débande les yeux ! Il se voit alors entouré d’une quantité d’officiers qui pour la circonstance ont revêtus tout ce qu’ils pouvaient avoir de riches galons d’or et d’argent, de rubans et de plumes magnifiques, comme pour les plus magnifiques ou les plus solennelles réceptions de Versailles, au moins ! Le Gouverneur lui-même est vêtu en grand uniforme, entouré de tout son Etat-major, de l’Intendant, de l’Evêque, et de nombreux officiers en armes.

Thomas Savage, l’officier Anglais, à la vue d’un concours si nombreux et si imposant, paraît nettement interdit devant autant d’apparat, il semble carrément en perdre son flegme tout britannique durant quelques instants, avant néanmoins de tenter de se reprendre pour lire la dépêche de son amiral. Au nom de son chef, le commandant William Phips, « dont le ton hautain et impérieux de la dépêche contrastait de la manière la plus plaisante, avec l’air impressionné du mandataire » il intime alors au Comte de Frontenac l’ordre de rendre la ville sans condition et cela immédiatement. guillaumeiiizf8.jpghttp://fr.wikipedia.org/wiki/Guillaume_III_d%27Orange-Nassau  L’amiral Anglais est mal venu de sommer ainsi le Gouverneur Français, en exigeant qu’il se rende au nom de son roi Guillaume III :

« Votre réponse dans une heure rendue par votre trompette où le péril s’ensuivra ! » termine-t-il

Frontenac a une heure montre en main pour donner sa réponse, pas une minute de plus ! Et sur ces derniers mots, l’émissaire sort sa montre qu’il brandit devant Frontenac, au cas où celui-ci n’aurait pas compris.

Louis de Buade, comte de Frontenac, est bien le dernier de France et bien entendu de Québec, à céder à un ultimatum prononcé de cette manière, si impertinente et fort vulgaire.

Le comte de Frontenac renvoie aussitôt le parlementaire, avec une réponse pleine de panache qui réjouit tous ceux qui en ont eu connaissance, et cela jusqu’à aujourd’hui encore : 

« Je ne connais pas le roi Guillaume, cet usurpateur qui a violé les lois les plus sacrés du sang, en voulant détrôner Jacques II son beau-père, ce n’est pas une façon de sommer un homme tel que moi, je ne vous répondrai que par la bouche de mes canons, Monsieur faites votre devoir, comme de mon côté je ferai le mien ! » Puis Frontenac renvoie d’un geste l’envoyé Anglais et sans se laisser désarçonner un instant, il continue d’organiser la défense de la ville.

Devant cet état de fait, les officiers Anglais mettent alors toute une stratégie en route, ils espèrent après avoir fait débarquer à Beauport quelques bonnes troupes, pouvoir facilement traverser la rivière Saint Charles, puis une fois cela franchi, l’attaque de la ville par voie de terre ne sera plus qu’à une seule portée de leurs mousquets. Tout cela se passera pendant qu’ils seront soutenus et aidés depuis leurs navires dont les soldats continueront à canonner Québec, détournant d’autant les combattants Français…

Leur plan paraît parfait ! Effectivement, le 18 octobre, mille quatre cents hommes débarquent.  Toutefois, les choses ne vont pas se passer aussi facilement que ce qu’ils le croient, ils sont aussitôt accueillis par un nombre impressionnant de miliciens Français cachés aux abords, tous venus en renfort avec Monsieur de Callières à l’appel de Frontenac, depuis Trois Rivières et Montréal, ils tirent sur eux salves sur salves sans discontinuer. 

Les troupes anglaises ne peuvent que reculer, il leur semble qu’un Sauvage armé, se cache derrière chaque arbre, les soldats anglais ne savent comment viser sur un tel adversaire invisible, alors piétinant dans la vase à marée basse, repoussés par la milice canadienne, ils essayent de rembarquer au plus vite sous les feux des mousquets Français, tandis que leurs pertes sont énormes. Ne pouvant débarquer à Beauport, Phips tente alors un peu plus tard, de le faire du côté de la Pointe Lévis. Là non plus impossible de débarquer, toute une milice de canadiens armés jusqu’aux dents, attend les Anglais, dont Guillaume Couture entouré de ses fils, malgré son grand âge il est à son poste de capitaine de milice. Il a rassemblé tous les hommes, tous se tiennent prêts, puis les mousquets font leur œuvre, l’attaque est violemment repoussée là aussi, jamais un Anglais ne pourra débarquer des bateaux ! Pendant deux jours, Phips fait tirer de ses vaisseaux sans discontinuer, la canonnade se poursuit sans interruption faisant résonner les montagnes alentour, se prolongeant comme le bruit du tonnerre, mais  cela semble sans véritable effet, les boulets se perdant sur les rochers de la ville.   Pendant ce temps, les canons n’arrêtent pas de gronder du haut de la Citadelle, écrasant les navires Anglais sous un déluge de mitraille, leur faisant des dégâts matériels importants, ainsi que quelques centaines de blessés supplémentaires. Les Anglais tiennent encore trois jours, tentant vainement de vaincre la résistance efficace des Français. Le pavillon du vaisseau amiral est abattu, certains témoins affirment qu’il l’a été par Jacques le Moyne, Sieur de Saint Hélène. Frontenac envoie un nageur le chercher, il le rapporte comme un trophée de guerre, il sera installé durant plusieurs années dans la cathédrale.

Au cours des engagements, ce même Jacques le Moyne de Sainte Hélène est mortellement blessé, ils sont en tout trois de la famille le Moyne à avoir participé à la défense de la ville, comme le capitaine Charles le Moyne, baron de Longueuil, bien secondé par les Hurons et les Abénaquis qui surveillaient les mouvements des bateaux ennemis… Frontenac était lui-même à la tête de trois régiments. Chacun est à son poste, chacun défend avec enthousiasme et ardeur la colonie, contre l’envahisseur anglo-saxon. Pourtant Phips doit faire vite, ou il prend la ville ou il doit partir ! La température commence à devenir de plus en plus glaciale, l’amiral Anglais ne désire surtout pas être pris dans les glaces et être obligé de passer l’hiver sur le Saint Laurent. Il se voit donc contraint d’entamer des négociations les 23 et 24 octobre, c’est ainsi qu’un échange de prisonniers va avoir lieu puis sans demander son reste, la flotte anglaise comprenant des vaisseaux très fortement endommagés, s’en retourne à Boston ! Quant au second de Phips, dans sa précipitation, il s’en va en laissant même ses canons !

Coin42431Médaille de la Victoire - http://numicanada.com/forum/viewtopic.php?t=7219

C’est une violente défaite, un échec cuisant et retentissant pour la flotte anglaise, son amiral Phips se voit obligé de quitter piteusement la Nouvelle France, lui qui y était arrivé en conquérant ! Il s’en va même si précipitamment, qu’il laisse filer l’ancre de son propre navire amiral devant la ville, ne prenant même pas le temps de la remonter ! Alors que les bateaux descendent le Saint Laurent pour rejoindre la Nouvelle Angleterre, un brigantin « le Mary » fait naufrage sur l’île d’Anticosti, justement cette île même, où à l’aller un des bateaux de Phips avait tout saccagé et tout brûlé. Drôle d’ironie du sort ! La soixantaine de marins échoués là, recherchent en vain dans tous les recoins de l’île abri et nourriture, ils ne retrouvent que des établissements calcinés, aucun endroit où s’abriter, alors que la neige et le froid envahissent déjà le fleuve. Une petite poignée d’hommes, à peine quatre ou cinq, arriveront à survivre et ils ne parviendront à se tirer d’affaire qu’en construisant une sorte de radeau avec les débris de leur propre bateau. Après plusieurs semaines, ils arriveront après mille difficultés à traverser cette portion du fleuve et à toucher la terre ferme, du côté Anglais.

A Québec le soulagement est total ! Quelques temps plus tard, l’église de la basse ville recevra le nom de Notre Dame de la Victoire, en souvenir de ce jour qui sauvait la Nouvelle France. La victoire de Louis de Buade, comte de Frontenac, est célébrée avec beaucoup de joie en Nouvelle France, mais également en France, où elle fit grand bruit. Elle fut même commémorée par une médaille, sur laquelle on pouvait voir Louis XIV avec l’inscription latine « Ludovicus magnus rex Christianus » Louis grand roi chrétien. Au revers un personnage allégorique foulant aux pieds le drapeau anglais, à sa droite un castor et à sa gauche le Saint Laurent avec une autre devise : « Francia in Novo Orbe victrix » c’est à dire la France victorieuse dans le nouveau monde. Puis tout en dessous : « Kebeca liberata MDCXC » soit : Québec victorieuse 1690.

Cette médaille sera à nouveau frappée en France, et remise à la population du Québec par Charles De Gaulle, lors de sa visite à Montréal en 1967.

 

*Jean Vincent d’Abbadie, devenu plus tard à la mort de son père en France, baron de Saint Castin, était arrivé en Nouvelle France en 1665 avec le régiment de Carignan Salières à l’âge très jeune de 13 ans, comme porte étendard. Il repartira en France au départ du régiment mais quelques temps après il reviendra en Nouvelle France. Après avoir longuement poursuivi les Anglais sur mer il sera fait prisonnier puis torturé, il arrivera à s’échapper sera recueilli et soigné à moitié mourant par les Abénaquis et après avoir vécu avec eux, il finira par épouser la fille du chef Abénaquis. Plus tard, à la mort de ce dernier, il deviendra lui-même chef Abénaquis étant le plus proche parent d’après les coutumes amérindiennes. Il passera de nombreuses années entouré de ses Abénaquis à traquer les Anglais tant en Nouvelle Ecosse que dans leurs colonies de Nouvelle Angleterre.

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C
Blog(fermaton.over-blog.com), No-26. - THÉORÈME BLOCH. - Avec le temps tout s'en va .
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V
Grâce à vos publications des textes de Marie-Hélène Morot-Sir nous connaissons à présent des hommes dont nous ignorions jusqu’à l’existence même, des hommes extraordinaires qui ont édifiés la<br /> Nouvelle France, l’ont soutenue ont tout donné pour elle.. des très grands comme Frontenac, un genre de de Gaulle semble-t-il, des obscurs ou des petits, mais tous au caractère fougueux et<br /> courageux .. et ce Saint Castin devenu chef Abénaquis .. Quelle histoire, quelle épopée !! Pourquoi les descendants français Québécois ne semblent-ils pas en être davantage fiers?
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J
<br /> <br /> Je crois que la réponse à votre question est contenue dans les commentaires de plusieurs Québécois, sur mon blog : Beaucoup d'entre eux ne connaissent pas l'histoire de leur pays, non par volonté<br /> personnelle, mais sans doute lié à une politique du Canada qui cherche à nier l'origine française de ce pays...<br /> <br /> <br /> <br />
A
impossible de ne pas vous écrire un mot, merci pour les textes de Marie-Hélène Morot-Sir qui nous emmènent si loin et nous en apprennent tant ! Bonne semaine à vous.
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J
<br /> <br /> Merci à vous ! Et bonne semaine également !<br /> <br /> <br /> <br />
J
Quel texte impressionnant et passionnant ! quand on pense que les Anglais se glorifient comme s’ils avaient toujours été vainqueurs, vraiment cela fait du bien de pouvoir relire l’Histoire.. Je<br /> n’avais jamais entendu parler de cette médaille, à la gloire de la victoire de Québec .. Ah, si nous avions un De Gaulle pour nous soutenir aujourd’hui nous ne serions pas seuls à nous débrouiller,<br /> nous serions davantage épaulés !... Actuellement on se demande où est notre chère mère patrie??? Il nous faudrait davantage de Marie-Hélène Morot-Sir, c'est pourquoi croyez bien que nous la<br /> remercions tous énormément !!
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J
<br /> <br /> Merci pour Marie-Hélène Morot-Sir ! N'avoir pas de De Gaulle, aujourd'hui est tout aussi cruel pour nous, en France, vous savez. Dans la plupart des pays développés, nous n'avons, au pouvoir, que<br /> le vide de l'idéologie de l'argent, cet argent qui n'a que faire des peuples, de leur histoire et de leur culture...<br /> <br /> <br /> <br />
F
Quel bel article, passionnant ! il nous entraîne dans ce passé dont nous ignorons tant de choses.. quelle bonne idée de nous faire ces récits. Marie-hélène Morot-Sir pourrait-elle nous parler<br /> davantage de Saint Castin, cela semble un personnage incroyable, et redouté des Anglais !
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J
<br /> <br /> Je tâcherai de lui en parler, mais je ne sais si cela peut s'intégrer rapidement dans son programme. Je suis en tout cas très heureux de voir combien vous êtes à apprécier ces textes ! Merci !<br /> <br /> <br /> <br />