Deux hommes pour deux discours d'investiture

Publié le par jdor

Par Melle Gaylor Richardeau


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Idée m'est venue de comparer les discours d'investiture de Nicolas Sarkozy en 2007 et de François Hollande en 2012 pour en tirer ou non quelques conclusions ou observations. Par respect des convenances, le texte de Mr Sarkozy sera inscrit en bleu, celui du Président Hollande en rouge. N'y voyez rien de plus qu'une question pratique...

Honneur au perdant

Discours d'investiture de Nicolas Sarkozy
Président de la République

16 mai 2007
Palais de l’Élysée

Mesdames et Messieurs,

En ce jour où je prends officiellement mes fonctions de Président de la République française, je pense à la France, ce vieux pays qui a traversé tant d'épreuves et qui s'est toujours relevé, qui a toujours parlé pour tous les hommes et que j'ai désormais la lourde tâche de représenter aux yeux du monde.

Je pense à tous les Présidents de la Ve République qui m'ont précédé. Je pense au Général De Gaulle qui sauva deux fois la République, qui rendit à la France sa souveraineté et à l'Etat sa dignité et son autorité. Je pense à Georges Pompidou et à Valéry Giscard d'Estaing qui, chacun à leur manière, firent tant pour que la France entrât de plain-pied dans la modernité. Je pense à François Mitterrand, qui sut préserver les institutions et incarner l'alternance politique à un moment où elle devenait nécessaire pour que la République soit à tous les Français. Je pense à Jacques Chirac, qui pendant douze ans a œuvré pour la paix et fait rayonner dans le monde les valeurs universelles de la France. Je pense au rôle qui a été le sien pour faire prendre conscience à tous les hommes de l'imminence du désastre écologique et de la responsabilité de chacun d'entre eux envers les générations à venir.

Mais en cet instant si solennel, ma pensée va d'abord au peuple français qui est un grand peuple, qui a une grande histoire et qui s'est levé pour dire sa foi en la démocratie, pour dire qu'il ne voulait plus subir. Je pense au peuple français qui a toujours su surmonter les épreuves avec courage et trouver en lui la force de transformer le monde. Je pense avec émotion à cette attente, à cette espérance, à ce besoin de croire à un avenir meilleur qui se sont exprimés si fortement durant la campagne qui vient de s'achever. Je pense avec gravité au mandat que le peuple français m'a confié et à cette exigence si forte qu'il porte en lui et que je n'ai pas le droit de décevoir. Exigence de rassembler les Français parce que la France n'est forte que lorsqu'elle est unie et qu'aujourd'hui elle a besoin d'être forte pour relever les défis auxquels elle est confrontée. Exigence de respecter la parole donnée et de tenir les engagements parce que jamais la confiance n'a été aussi ébranlée, aussi fragile. Exigence morale parce que jamais la crise des valeurs n'a été aussi profonde, parce que jamais le besoin de retrouver des repères n'a été aussi fort. Exigence de réhabiliter les valeurs du travail, de l'effort, du mérite, du respect, parce que ces valeurs sont le fondement de la dignité de la personne humaine et la condition du progrès social. Exigence de tolérance et d'ouverture parce que jamais l'intolérance et le sectarisme n'ont été aussi destructeurs, parce que jamais il n'a été aussi nécessaire que toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté mettent en commun leurs talents, leurs intelligences, leurs idées pour imaginer l'avenir. Exigence de changement parce que jamais l'immobilisme n'a été aussi dangereux pour la France que dans ce monde en pleine mutation où chacun s'efforce de changer plus vite que les autres, où tout retard peut être fatal et devient vite irrattrapable. Exigence de sécurité et de protection parce qu'il n'a jamais été aussi nécessaire de lutter contre la peur de l'avenir et contre ce sentiment de vulnérabilité qui découragent l'initiative et la prise de risque. Exigence d'ordre et d'autorité parce nous avons trop cédé au désordre et à la violence, qui sont d'abord préjudiciables aux plus vulnérables et aux plus humbles. Exigence de résultat parce que les Français en ont assez que dans leur vie quotidienne rien ne s'améliore jamais, parce que les Français en ont assez que leur vie soit toujours plus lourde, toujours plus dure, parce que les Français en ont assez des sacrifices qu'on leur impose sans aucun résultat. Exigence de justice parce que depuis bien longtemps autant de Français n'ont pas éprouvé un sentiment aussi fort d'injustice, ni le sentiment que les sacrifices n'étaient pas équitablement répartis, ni que les droits n'étaient pas égaux pour tous. Exigence de rompre avec les comportements du passé, les habitudes de pensée et le conformisme intellectuel parce que jamais les problèmes à résoudre n'ont été aussi inédits.

Le peuple m'a confié un mandat. Je le remplirai. Je le remplirai scrupuleusement, avec la volonté d'être digne de la confiance que m'ont manifesté les Français. Je défendrai l'indépendance et l'identité de la France. Je veillerai au respect de l'autorité de l'Etat et à son impartialité. Je m'efforcerai de construire une République fondée sur des droits réels et une démocratie irréprochable. Je me battrai pour une Europe qui protège, pour l'union de la Méditerranée et pour le développement de l'Afrique. Je ferai de la défense des droits de l'homme et de la lutte contre le réchauffement climatique les priorités de l'action diplomatique de la France dans le monde.

La tâche sera difficile et elle devra s'inscrire dans la durée. Chacun d'entre vous à la place qui est la sienne dans l'Etat et chaque citoyen à celle qui est la sienne dans la société ont vocation à y contribuer. Je veux dire ma conviction qu'au service de la France il n'y a pas de camp. Il n'y a que les bonnes volontés de ceux qui aiment leur pays. Il n'y a que les compétences, les idées et les convictions de ceux qui sont animés par la passion de l'intérêt général. A tous ceux qui veulent servir leur pays, je dis que je suis prêt à travailler avec eux et que je ne leur demanderai pas de renier leurs convictions, de trahir leurs amitiés et d'oublier leur histoire. A eux de décider, en leur âme et conscience d'hommes libres, comment ils veulent servir la France.

Le 6 mai il n'y a eu qu'une seule victoire, celle de la France qui ne veut pas mourir, qui veut l'ordre mais qui veut aussi le mouvement, qui veut le progrès mais qui veut la fraternité, qui veut l'efficacité mais qui veut la justice, qui veut l'identité mais qui veut l'ouverture. Le 6 mai il n'y a eu qu'un seul vainqueur, le peuple français qui ne veut pas renoncer, qui ne veut pas se laisser enfermer dans l'immobilisme et dans le conservatisme, qui ne veut plus que l'on décide à sa place, que l'on pense à sa place. Eh bien, à cette France qui veut continuer à vivre, à ce peuple qui ne veut pas renoncer, qui méritent notre amour et notre respect, je veux dire ma détermination à ne pas les décevoir.

Vive la République ! Vive la France !


Discours d'investiture de François Hollande
Président de la République

le 15 Mai 2012
Palais de l'Elysée

« En ce jour où je suis investi de la plus haute charge de l'Etat, j'adresse aux Français un message de confiance. Nous sommes un grand pays qui, dans son Histoire, a toujours su affronter les épreuves et relever les défis qui se présentaient à lui.

A chaque fois, il y est parvenu en restant lui-même, toujours dans l'élévation et l'ouverture, jamais dans l'abaissement et le repli. Tel est le mandat que j'ai reçu du peuple français le 6 mai : redresser la France dans la justice, ouvrir une voie nouvelle en Europe, contribuer à la paix du monde comme à la préservation de la planète.

Je mesure aujourd'hui même le poids des contraintes auxquelles notre pays fait face, une dette massive, une croissance faible, un chômage élevé et une compétitivité dégradée et une Europe qui peine à sortir de la crise.

Mais je l'affirme ici : il n'y a pas de fatalité dès lors qu'une volonté commune nous anime, qu'une direction claire est fixée et que nous mobilisons pleinement nos forces et les atouts de la France.

Ils sont considérables, la productivité de nos travailleurs, l'excellence de nos chercheurs, le dynamisme de nos entrepreneurs, le travail de nos agriculteurs, la qualité de nos services publics, le rayonnement de notre culture et notre langue, sans oublier la vitalité de notre démographie et l'impatience de notre jeunesse.

La première condition de la confiance retrouvée, c'est l'unité de la Nation. Nos différences ne doivent pas devenir des divisions, nos diversités des discordes. Le pays a besoin d'apaisement, de réconciliation, de rassemblement. C'est le rôle du président de la République de faire vivre ensemble tous les Français sans distinction d'origine, de parcours, de lieu de résidence, autour des même valeurs, celles de la République.

Tel est mon impérieux devoir, quel que soit notre âge, quelles que soient nos convictions, où que nous vivions, dans l'Hexagone ou dans les Outre-mer, dans nos villes, dans nos quartiers, dans nos territoires ruraux, nous sommes la France. Une France non pas dressée contre une autre mais une France réunie dans une même communauté de destin. Et je réaffirmerai en toutes circonstances nos principes intangibles de laïcité, comme je lutterai contre le racisme, l'antisémitisme et toutes les discriminations.

La confiance c'est aussi l'exemplarité. Président de la République, j'assumerai pleinement les responsabilités exceptionnelles de cette haute mission. Je fixerai les priorités mais je ne déciderai pas de tout, pour tous et partout.

Conformément à la Constitution, le gouvernement déterminera et conduira la politique de la Nation, le Parlement sera respecté dans ses droits, la justice disposera de toutes les garanties de son indépendance. Le pouvoir au sommet de l'Etat sera exercé avec dignité et simplicité, avec une grande ambition pour le pays. Et une scrupuleuse sobriété dans les comportements.

L'Etat sera impartial parce qu'il est la propriété de tous les Français et qu'il n'appartient donc pas à ceux qui ont en ont reçu pour un temps limité la charge. Les règles de nomination des responsables publics seront encadrées et la loyauté, la compétence et le service de l'intérêt général seront les seuls critères pour déterminer mes choix pour les grands serviteurs de l'Etat.

La France a la chance de disposer d'une fonction publique de grande qualité. Je veux lui dire ma reconnaissance et l'attente que je place en elle et en chacun de ses agents.

La confiance, elle est dans la démocratie elle-même. Je crois en la démocratie locale et j'entends la revivifier par un nouvel acte de décentralisation susceptible de donner des libertés nouvelles pour le développement de nos territoires.

Je crois en la démocratie sociale et de nouveaux espaces de négociations seront ouverts aux partenaires sociaux que je respecterai, aussi bien les représentants des syndicats de salariés que les organisations professionnelles.

Je crois à la démocratie citoyenne, celle des associations et des engagements civiques qu'elles mobilisent. Les bénévoles seront soutenus pour leur dévouement pour la République.

La confiance, elle repose sur la justice, dans les choix, la justice dans la conception même de la création de richesse. Il est temps de remettre la production avant la spéculation, l'investissement d'avenir avant la satisfaction du présent, l'emploi durable avant le profit immédiat.

Il est temps d'engager la transition énergétique et écologique, il est temps d'ouvrir une nouvelle frontière pour le développement technologique et pour l'innovation.

Mais la justice, elle est aussi dans la répartition de l'effort indispensable. Il ne peut pas y avoir des sacrifices pour les uns, toujours plus nombreux, et des privilèges pour les autres sans cesse moins nombreux. Ce sera le sens des réformes que le gouvernement conduira, avec le souci de récompenser le travail, le mérite, l'initiative et de décourager la rente et les rémunérations exorbitantes.

La justice ce sera le seul critère sur lequel chaque décision publique sera prise au nom de la République.

Enfin, la confiance c'est à la jeunesse que la République doit l'accorder. Je lui rendrai la place qui doit être la sienne, la première. C'est le fondement de mon engagement pour l'école de la République, car sa mission est vitale pour la cohésion de notre pays, pour la réussite de notre économie et pour la promotion de chacun.

C'est la volonté qui m'anime pour rénover la formation professionnelle, pour accompagner les jeunes vers l'emploi et lutter contre toutes les précarités. Ce sera aussi la belle idée du service civique, que j'entends relancer.

Mesdames, Messieurs, en ce jour où bien des peuples, et d'abord en Europe, nous attendent et nous regardent, pour surmonter la crise, elle a besoin de solidarité, elle a besoin de croissance. A nos partenaires, je proposerai un nouveau pacte qui alliera la réduction nécessaire des dettes publiques avec l'indispensable stimulation de l'économie.

Et leur dirai la nécessité pour notre continent de protéger dans un monde si instable non seulement ses valeurs mais ses intérêts, au nom du principe de réciprocité de nos échanges commerciaux.

La France est une nation engagée dans le monde. Par son histoire, par sa culture, par ses valeurs d'humanisme, d'universalité et de liberté, elle y occupe une place singulière. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen a fait le tour du monde.

Nous devons en être, et moi le premier, les dépositaires et nous situer aux côtés de toutes les forces démocratiques du monde qui se recommandent de ses principes. La France respectera tous les peuples, elle sera partout fidèle à la vocation qui est la sienne, défendre la liberté des peuples, l'honneur des opprimés, la dignité des femmes.

Dans cet instant, et j'en mesure la solennité, où je suis chargé de présider la destinée de notre pays et de le représenter dans le monde, je salue mes prédécesseurs, tous ceux qui avant moi ont eu la responsabilité de conduire la République : Charles de Gaulle, qui a mis son prestige au service de la grandeur et de la souveraineté de la France; Georges Pompidou, qui fit de l'impératif industriel un enjeu national; Valéry Giscard d'Estaing, qui relança la modernisation de la société française; François Mitterrand, pour lequel j'ai une pensée toute particulière aujourd'hui même, qui fit tant pour faire avancer les libertés et le progrès social; Jacques Chirac, qui marqua son attachement aux valeurs de la République; Nicolas Sarkozy, à qui j'adresse des vœux pour la nouvelle vie qui s'ouvre devant lui.

Mesdames, Messieurs, je veux servir une grande cause, le rassemblement, le redressement, le dépassement et l'espoir doivent en être le fil conducteur.

Vive la République et vive la France ! »



* * *


D'emblée, le simple lectrice que je suis, avoue un faible pour la simplicité discursive du second qui s'oppose à la pompeuse prose du premier.

Le premier message de Nicolas Sarkozy est un message adressé à la grandeur de la France, celui de François Hollande est un message de confiance. L'un opte pour le solennel à outrance, l'autre parle à l’affect.

Si Nicolas Sarkozy choisit de faire un hommage dithyrambique à ses prédécesseurs, par ailleurs non dénué d'une certaine hypocrisie, François Hollande, les cite en fin de discours non comme modèles mais au titre de la continuité républicaine.

Nicolas Sarkozy accumule les exigences qui seraient celles du peuple Français, plus honnête aurait été de reconnaître qu'il s'agissait des siennes.

Exigence de rassembler
Exigence de respecter la parole donnée et de tenir les engagements
Exigence morale
Exigence de réhabiliter les valeurs du travail, de l'effort, du mérite, du respect
Exigence de tolérance et d'ouverture
Exigence de changement
Exigence de sécurité et de protection
Exigence d'ordre et d'autorité
Exigence de résultat
Exigence de justice
Exigence de rompre avec les comportements du passé, les habitudes de pensée et le conformisme intellectuel

Exiger est un terme fort qui d'emblée laisse peu de place au compromis...

François Hollande n'exige pas, il propose, présente des actions face à un bilan sans fards d'une France avec " une dette massive, une croissance faible, un chômage élevé et une compétitivité dégradée et une Europe qui peine à sortir de la crise ". Dans le choix de ces mots, la République, le gouvernement, l'Etat, le Président de La République se heurtent au "je "sarkozyen.
Là où Sarkozy conjugue la gouvernance à la première personne du singulier, Hollande lui préfère la première personne du pluriel. Commun, union, rassemblement, apaisement, communauté, négociation, confiance, espoir, justice, protection, sont des termes qui englobent, non qui divisent.

Nicolas Sarkozy ne dira pas un mot sur la démocratie locale pourtant au creuset de nos institutions et au plus proche du quotidien des citoyens. Hollande lui rend un hommage appuyé et légitime comme il reconnaît l'action des partenaires syndicaux et des bénévoles oeuvrant pour la chose publique.

Le discours de Sarkozy n'est pas dénué de références au vocable militaire : "servir la France", "autorité"...
Hollande parle de paix, de justice, d'Europe nouvelle, de préservation de l'environnement.

Si Hollande rend compte des compétences et des richesses humaines de notre Etat, il ne généralise pas la grandeur d'un peuple français idéalisé, il s'appuie sur des réalités et croit en la jeunesse Française ce que Sarkozy a omis alors même qu'il s'agit d'une des plus grandes forces de notre pays.

Hollande renoue avec les vraies valeurs de la France :
" C'est le rôle du président de la République de faire vivre ensemble tous les Français sans distinction d'origine, de parcours, de lieu de résidence, autour des même valeurs, celles de la République... Une France non pas dressée contre une autre mais une France réunie dans une même communauté de destin. Et je réaffirmerai en toutes circonstances nos principes intangibles de laïcité, comme je lutterai contre le racisme, l'antisémitisme et toutes les discriminations. "
Hollande redonne, par ces mots, la place de notre pays dans le monde s'agissant du respect des Droits de l'Homme.
Là où Sarkozy enfermait la France, Hollande l’ouvre.

Tout le discours de Nicolas Sarkozy est axé sur le "je" comme au temps des Rois.
Hollande s'appuyant sur notre Constitution, précise les conditions dans lesquelles le pouvoir doit s'exercer. Il redonne toute sa place au gouvernement et fustige de manière sous jacente l'omniprésident précédent.

Là où Sarkozy s'engageait à une République irréprochable (on en a vu les résultats), Hollande parle d'exemplarité.

Sarkozy promettait de ne pas décevoir, la question est ailleurs, puisque ce n'est pas ce que l'on attend d'un Président ! Ce que les Français souhaitent c'est de l'action dans l'intérêt général....

Deux discours pour deux personnalités.
L'un a brisé l’espoir, l'autre a la tâche très rude de le reconquérir....

 

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Publié dans Réflexions

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