Fin d’époque, fin de règne

Publié le par jdor

Nous vivons, actuellement, l’une de ces périodes qui me fait penser à la marche inexorable du destin, d’un destin que, pour la majorité d’entre nous, nous ne souhaitons pas. C’est quelque chose de la chute de l’empire romain, de la chute des civilisations qui nous ont précédées. C’est une sensation très désagréable, presque angoissante…

En France, plus particulièrement, s’ajoute le fait qu’une majorité de citoyens n’en peut plus de l’ère Sarkozy, n’ayant pas la moindre confiance en ce personnage, pas plus qu’en son parti politique. Trop de langue de bois finit par mettre la puce à l’oreille même des moins attentifs. De même, certaines mises en scène médiatiques sont tellement grossières, que l’intention d’origine, non seulement échoue, mais que de plus, cela finit dans le ridicule. Ainsi en va-t-il, à mon sens tout au moins, de la parade en Libye de Sarkozy, l’autre jour. Sans doute, ne s’est-il pas rendu compte que le phénomène de liesse des foules, dans ce pays, comme dans bien d’autres, s’organise à volonté. Il est légitime, de notre part, de nous poser la question sur la « spontanéité » de la joie des Libyens lors de son discours qui se voulait « gaullien ». Là encore, il ne s’est pas rendu compte, que la copie n’a jamais la valeur de l’original et que, singer un grand homme, rend très petit...

Fin de règne ? Espérons…

Par ailleurs, les révélations de Robert Bourgi sont tellement « grosses », la ficelle est tellement visible que, là encore, Sarkozy ne s’en tire pas indemne. Sans preuve, certes, on peut cependant penser que ces « aveux spontanés » étaient téléguidés par l’Elysée ou un très proche du Président. Mais comment peut-on, à ce niveau de l’Etat, être aussi bête ? Imaginer qu’en accusant tous les prédécesseurs et quelques adversaires mais affirmer que seul Sarkozy n’aurait rien touché, confine au ridicule absolu. Croire que l’opinion grâce à Robert Bourgi gobe la présomption de « pureté » du Président actuel, est ahurissant de naïveté ou de stupidité.

Mais qui, en France, croit en la « République irréprochable » de Sarkozy ? Il suffit de lire l’article de Juan sur Sarkofrance (http://sarkofrance.blogspot.com/2011/09/sarkozy-ces-legions-dhonneur-qui.html) pour comprendre où en est notre pays, côté propreté politique. Les remises de Légion d’Honneur, sont à cet égard, très éloquentes. Si vous n’avez pas eu l’occasion de lire ce texte, hâtez-vous de le faire, cela en vaut la peine !

Le pays aura de la peine à se remettre de cinq ans de sarkozysme, de cinq ans de cadeaux fiscaux aux plus riches, de discours racistes, de clientélisme et de guerres inutiles et nuisibles. Avoir été affaibli, à ce point, par ce clan, dans cette époque où l‘économie mondiale s’effondre après le passage de la lessiveuse néolibérale, laisse penser vraiment à une destinée maudite pour notre pays. Nous relèverons-nous ? Les élections à venir pourraient ressembler à une espérance. Oui, mais… Pour cela, encore faut-il croire qu’une élection, à notre époque, celle de la mondialisation financière forcée, donne un quelconque pouvoir à un quelconque candidat élu. S’il est évident qu’il est hors de question de voter pour Sarkozy, il est nettement moins évident de trouver un candidat pouvant, sérieusement, représenter la grande masse de Français moyens et pauvres. Pour l’heure, me concernant, je ne vois que trois candidats intéressants, mais trois candidats dont les chances sont proches du zéro absolu : Il s’agit de Eva Joly, Jean-Luc Mélanchon et Arnaud Montebourg. Tous les trois, à des degrés divers, veulent s’en prendre au pouvoir des banques, des financiers et du fantomatique « marché », donc à la globalisation. Je suis persuadé, sans être économiste, qu’ils ont parfaitement raison, qu’il faut bel et bien aller dans ce sens. Le hic, c’est qu’on ne voit pas par quel moyen ils peuvent atteindre un tel objectif, si seule la France fait le choix d’une telle politique.

Il n’y a, pourtant, aucune autre porte de sortie que d’abattre le système actuel. Si une grande part des pays ne s’attaque pas au monstre à mille têtes de la finance, alors, oui, dans un temps à venir, peut-être plus proche que nous ne l’imaginons, c’est l’humanité qui va s’effondrer dans sa totalité. Aucune société, aucune civilisation ne peut tenir sur le long terme avec comme idéologie unique l’égoïsme érigé en dogme. Les castes les plus puissantes finissent toujours, à force d’abus, par tout détruire autour d’elles avant de se détruire elles-mêmes.

Possible fin d’époque…

http://mecanoblog.files.wordpress.com/2011/08/social_suicide_by_scaryjesus.jpg?w=490&h=367

social_suicide_by_scaryjesus.jpgEt si mon sentiment est que nous vivons une fin d’époque, c’est parce que nous sommes déjà arrivés très près de la zone de non-retour. Les politiciens soutenant le capitalisme financier, pire encore que « le capitalisme de papa », nombre d’économistes de ce bord-là et un nombre important de journalistes ayant opté pour l’orthodoxie actuelle du néolibéralisme, nous affirment tous, en chœur ridicule, que leur système est indépassable. S’ils disent vrai, alors, nous sommes, globalement, je veux dire tous les peuples de la terre, fichus. Et la chute tant espérée de Sarkozy, l’an prochain, ne changera même pas la donne, quel que soit le prochain élu…

Par expérience, cependant, nous savons que rien n’est indépassable ! Il demeure donc un espoir, pour autant que l’humain et sa folie productrice n’aient pas déjà irrémédiablement abîmé la terre et, surtout, son climat. S’il semble très difficile de changer les règles du système financier mondial, parce qu’il faudrait un large consensus chez les dirigeants politiques, ce qui n’est pas le cas et de loin pas, aujourd’hui, la clef, je le crois, est dans les mains des peuples, de nos mains à tous. Si la conscience des injustices et des abus progresse encore, notamment grâce à ce qu’on appelle les « réseaux sociaux », nous pouvons glisser les grains de sables nécessaires pour gripper, avant de les bloquer, les rouages du système. Tout est basé sur la consommation ; à ce niveau, le fonctionnement dépend de nous, si nous achetons ou non.

Rien, rigoureusement rien, ne nous oblige à acheter tel ou tel produit, à regarder telle ou telle émission de télé, à lire tel ou tel journal. Par le refus de consommer bêtement, nous pouvons bloquer ce que nous voulons. Souvenez-vous simplement de la campagne délirante, il y a deux ans, pour que nous nous fassions vacciner contre la grippe H1N1. La grande majorité des citoyens a refusé, n’est pas tombée dans le panneau ; résultat, la campagne fut un échec cinglant et le pouvoir a dû se débarrasser des immenses stocks de vaccins. Ce qui n’avait pu être revendu ailleurs a été détruit, il y a quelques jours.

Je crois fermement que le cours de l’histoire changera le jour où une majorité de consommateurs prendra enfin conscience de l’immense pouvoir qui est entre ses mains au lieu de se laisser manipuler par les faiseurs de publicité. Même une part du chômage peut être balayée si nous décidons de consommer des produits locaux au lieu d’entrer dans le jeu stupide des « lois du marché » qui voudraient  nous imposer de consommer des produits, alimentaires ou autres, venus d’une foule de pays dont les gens sont payés au lance-pierre…

http://people-in-peace.blogspot.com/2007/08/le-mahatma-gandhi.html

2393338_f520.jpgCe genre de lutte ne suppose aucune violence, mais suivie par le grand nombre, elle est terriblement efficace. Gandhi l’avait déjà bien compris lorsqu’il a lancé sa campagne de refus d’achat de textile anglais et demandé aux Indiens de tisser eux-mêmes leurs tissus. L’industrie textile anglaise, à l’époque, en a terriblement souffert, bien des usines ont dû fermer. Le plus beau, c’est que les ouvrières et ouvriers ne lui en ont même pas voulu. Or, il faut bien voir que la colonisation anglaise de l’Inde représentait un écueil similaire à la mondialisation actuelle. Elle semblait tout autant indépassable pour les citoyens de l’époque. Ce n’est qu’un exemple, mais il est éloquent du pouvoir que nous pouvons acquérir, si nous en prenons conscience et rejetons enfin nos peurs.

Un système qui pourrait très vite s’autodétruire

Quelques dirigeants économiques ont compris que le système est en danger réel. La crise de la dette, au niveau mondial, provoquée à la fois par de nombreuses banques qui, au lieu de gérer l’argent de leurs clients, jouent aux spéculateurs, donc aux prédateurs, ainsi que l’inconséquence des dirigeants politiques, comme en France, obligent, désormais ces politiciens à envisager des mesures de rigueur, même si Sarkozy est puéril au point qu’il ne veut pas qu’on utilise ce mot chez nous. Nous voyons, ce qui se passe en Grèce, cet exemple est très frappant. Le peuple n’est pour rien ou presque dans les malheurs financiers de son pays. Mais la BCE, l’UE et le FMI imposent plans de rigueur après plans de rigueur. La population souffre et glisse de plus en plus vite vers la pauvreté, avant la misère. De ce fait, le pays se trouve économiquement bloqué puisque la consommation chute vertigineusement. Le sacro-saint dogme de la croissance s’effondre. Et la dette grecque ne cesse de gonfler avec l’arrivée de nouveaux plans de rigueur. Le cercle est vicieux et bien rodé…

Or, la Banque Mondiale voudrait imposer le même régime à tous les pays qui ont une dette importante. Même si je sais que nous aurons beaucoup à souffrir, j’ai tendance à dire : « Chiche » ! Suis-je masochiste ? Non, vraiment pas. Mais il me semble évident qu’à partir de ce moment-là, plusieurs peuples auront enfin la force de se lever et de dire « NON ». Si un seul peuple se fait saigner, cela ne changera pas grand-chose, mais s’ils sont plusieurs, notamment en Europe, alors les bases du système trembleront tant qu’une autre politique sera possible pour de bon ! Les pouvoirs le savent, ils se préparent à cette probabilité en armant toujours plus leurs diverses polices et en créant une multitude de lois sécuritaires. Mais la Tunisie et l’Egypte ont montré que, excédés, n’ayant plus rien à perdre, la peur change de camp, le pouvoir aussi, malgré les lois et les armes des forces publiques et des armées.

La condition humaine est telle que si tout va bien pour une majorité, rien ne change, même si le système est d’une injustice criante et scandaleuse. Mais si tout va mal, pour une majorité, alors on est à la veille de très grands changements.

Jean Dornac
Paris, le 19 septembre 2011

Publié dans Réflexions

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